Michel Houellebecq
Michel Houellebecq

Michel Houellebecq, l’auteur des Particules élémentaires, et prix Goncourt en 2010 pour La Carte et le Territoire, nous revient avec un recueil de poèmes, Configuration du dernier rivage : Les derniers vers de Houellebecq ?

17 avril 2013
17 avril 2013

Après nous avoir vendu consciencieusement la désillusion désormais convenue portant sur l’absurdité des mœurs modernes, l’hypocrisie sexuelle, l’idéal bafoué de l’amour, l’extension du domaine de la lutte partout et à tout âge et ce non sans un brio certain, Houellebecq revient encore cette année nous servir une belle tranche de misanthropie contenue.

Une belle tranche de misanthropie contenue

Ce recueil d’une centaine de pages est divisé en cinq parties aux titres symptomatiques: l’étendue grise, week-end prolongé en zone 6, mémoires d’une bite, les parages du vide, plateau. Certains des poèmes qu’il contient datent de l’écriture de La poursuite du bonheur, un de ses tout premiers recueils édité chez Flammarion en 1997. Il est intéressant de lire ces deux œuvres consécutivement, on peut y voir l’évolution de l’auteur lui même, ce qui renforce considérablement le dramatique de ses thèmes récurrents.

L’auteur qui, seize ans plus tôt, contenait à grand renfort de désespoir une révolte viscérale s’amollit à un point où on pourrait croire qu’il la systématise par souci de cohérence malgré la perte d’une fougue née de la souffrance. Le temps le prend, il y parle de la mort, il avoue qu’il continue à espérer, s’essaie à un regard lubrique sur une jeune beauté mais le désir n’y est plus, il a déjà un pied dans la tombe. Ce déclin tièdement banal vient donner le coup de grâce à ses rêves gentiment humains d’éternité.

Pis encore, son narcissisme superbe tout baudelairien teinté d’existentialisme ne lui a pas permis de développer de réelle richesse métaphysique: enfermé dans la matière, il tourne en rond comme un animal apeuré tentant de garder une contenance grâce a l’opium de l’espoir et au masque du cynisme. Sa détresse ridicule est son plus beau poème car il est bien réel, l’exemple qui valide les anti-héros fictifs qui ponctuent son œuvre.

Cela dit, ce recueil est de très bonne facture, moins flamboyant et plus mûr que ses prédécesseurs

Houellebecq pourra-t-il un jour de nouveau nous surprendre?

Cela dit, ce recueil est de très bonne facture, moins flamboyant et plus mûr que ses prédécesseurs. On y retrouve les thèmes favoris de Houellebecq, on se laisse prendre parfois, mais c’est comme si l’auteur lui même nous en dissuadait par un petit rictus. Certains méritent d’être savourés, voire même d’être largement pillés. Moins rigide dans sa versification bien que celle-ci reste sérieuse, on peut voir en certains de vraies réussites de poésie naturelle. S’y croise un peu de Lautréamont, un peu de Gainsbourg, un peu de Baudelaire, une recherche de simplicité nippone, des charmes du tao to king, une quasi-autobiographie initiatique en huit parties (HMT)… La somme est bien agréable à lire, mais demeure la question: Houellebecq pourra-t-il un jour de nouveau nous surprendre? Aura-t-il une fin heureuse?

Tout ce qu’on craint, c’est qu’elle ne soit que banale, ce qui serait un achèvement cohérent pour son œuvre, et une bonne démonstration de son fondement. Dans ce sens, on peut affirmer que La configuration du dernier rivage est une pièce maîtresse de son œuvre. À lire.

  • Configuration du dernier rivage, Michel Houellebecq, Flammarion, 104 p, 14, 25 euros, 17 avril 2013. 

Louis Clermont

Extraits 

Pauvre fille,
Cheveux plats vilain corps
Travaillant à l’aéroport
Regardant sous la pluie
Les avions décoller.
Petit visage de cochon
Tout aplati par la détresse,
Les seins qui tombent à dix-sept ans
Et la triste pâleur des fesses
(Le système est organisé
Pour la reproduction du même,
Le darwinisme avalisé
Crée la banalité suprême.)