Conversation galante dans un parc ; L’amoureux couronné, Jean-Honoré Fragonard, vers 1754

Jusqu’au 24 Janvier 2016 le Musée du Luxembourg accueille la rétrospective exhaustive d’une figure emblématique de la peinture galante et libertine du XVIII ème siècle, sans pour autant le réduire uniquement à ce registre.

Fragonard au Musée du Luxembourg jusqu'au 24 Janvier 2016
Jusqu’au 24 Janvier 2016

Rien de mieux qu’une scénographie évoquant un boudoir pour présenter le travail de Fragonard ! On contraint souvent l’artiste dans les cadres étroits de la peinture libertine aux scènes fortement érotiques, cependant son travail n’a fait qu’évoluer vers la représentation d’un amour moralisé, d’une passion héroïque, comme le démontre le parcours de l’exposition. Ces pans de son oeuvre sont heureusement non négligés par les scénographes de cette exposition de qualité. Suffisamment documentée sans pour autant perdre le visiteur néophyte, présentant presque toutes les oeuvres emblématiques (sauf la fameuse Escarpolette interdite de prêt) mais aussi des estampes moins connues, cette rétrospective possède toutes les caractéristiques d’une des meilleures de la saison.

Bien plus qu’un peintre de l’amour et de l’érotisme, Fragonard est le peintre d’une époque et d’une société, d’une philosophie aristocratique et bourgeoise du XVIII ème siècle. Frago, pour les intimes, représente en réalité une Arcadie convoitée, parfois complètement assumée, parfois n’étant qu’une simple inspiration. Cette référence mythologique trouve certainement ses origines dans son séjour à l’Académie de France à Rome où il a pu à loisir dépeindre les thématiques mythologiques gréco-romaines , notamment « Les Métamorphoses » d’Ovide.

Les références antiques ne sont pas les seules à inspirer le peintre. Bien ancrée dans son siècle, l’oeuvre ne peut être envisagée sans sa dimension littéraire

Les références antiques ne sont pas les seules à inspirer le peintre. Bien ancrée dans son siècle, l’oeuvre ne peut être envisagée sans sa dimension littéraire. Romans galants et érotiques sont très en vogue parmi la population des boudoirs, lieux où le « libertin veut cacher sa faiblesse ou ses sottises » selon les dires de Crébillon. Ces « maisons du vice » sont pour la plupart dotées d’oeuvres à forte connotation sexuelle et Fragonard est bien entendu le leader du genre. Leader tout autant incontesté dans l’illustration de contes libertins, dont certaines sont présentés à l’occasion de l’exposition.

Mais la littérature omniprésente au sein de l’oeuvre ne se contente pas d’être illustrée : une mise en abîme par le biais de représentations picturales de jeunes femmes lisant ces fameux romans ou rédigeant des lettres passionnées en sont les exemples parfaits. Références directes à Choderlos de Laclos ou Rousseau dans leurs grands romans épistolaires.

Comme dans toute exposition exhaustive se respectant, il convient de présenter les artistes ayant influencés ou suivis l’oeuvre de Fragonard. C’est chose faite dans cette rétrospective qui invite à (re)découvrir Boucher, le maître, et Baudouin, le contemporain.

  • Fragonard amoureux, Musée du Luxembourg, jusqu’au 24 janvier 2016