« …Avec ses étendards le roi d’Enfer s’avance !
Cria soudain mon maître ; à travers la distance
Tâche aussi de le voir, et regarde en avant ! »
Chant XXXIV
La Divine comédie
Il existe une autre distance que celle des continents : non pas la distance entre les lieux ; mais la distance entre les mondes, aussi proches soient-ils. Car il ne suffit pas de confiner les corps, pour les voir enfin se rapprocher ; encore faut-il entre eux de la chaleur. Je me souviens d’une brève scène de Malick : bordée de palmiers, une vallée s’ouvre sur un ciel bas ; une ligne de soldats américains apeurés s’y avance. Venu de la direction opposée, un vieux mélanésien les croise, indifférent. Ce n’est pas une rencontre ; c’est tout au plus un contraste… Dans Béhémoth de Zhao Liang comme dans Léviathan de Lucien Castaing-Taylor et Verena Paravel, c’est le spectateur lui-même qui est mis à distance du regard documentaire.
Distances mondaines
Walter Benjamin[1]