Envol méta et chute mélo, cordes vocales et lignes de poing, opéra éthéré et stand-up bestial, orgue sans âge dans laquelle s’engouffre l’air du temps  : s’il ne devait rester qu’un film de 2021, ce serait Annette. Dénué de toute compromission, invalidant toute notion de genre, le film de Carax redonne foi dans un cinéma total, où toutes les virtualités du réel s’entremêlent à nos imaginaires enfiévrés et flamboyants. Et comme le font les grands films, Annette a fait de nous des spectateurs plus généreux, mieux disposés à recevoir les émotions d’une bien belle année cinématographique : soudain, la bromance de First Cow nous parut encore plus douce, le bang d’Apichatpong plus renversant… Merci, Leos. Et à bientôt ? 

1. Annette de Leos Carax

Tragédie baroque, authentique et en-chantée qui fait rimer Sparks avec Carax, A. Driver avec Atrides, #Metoo avec Erinyes. L’Agamemnon de 2021 donne toujours dans le féminicide, rien de plus médusant qu’un radeau sous la vague et Here in Heaven,Talent is definitely an Asset.

Hélène Boons

Retrouvez la critique complète d’Annette

2. First Cow de Kelly Reichardt

Dans First Cow, l’histoire de la conquête de l’Ouest prend une allure de fable dans une forêt enchantée de l’Oregon. Cookie et son compère fabriquent des beignets, arrangent leur maisonnette et façonnent une vie nouvelle. Kelly Reichardt filme avec délicatesse la naissance d’une amitié masculine comme pour mieux faire cesser un instant le vacarme des grands récits fondateurs de l’Amérique. La nature est nourricière, c’est en son sein que le western retrouve son ingénuité, son sens élégiaque.

Marthe Statius

Retrouvez notre portrait de Kelly Reichardt

3. Memoria d’Apichatpong Weerasethakul

Perdu dans un monde désenchanté, dénué de merveilleux, de toute présence du divin, le dernier film de Weerasethakul s’ouvre par un bang et se finit dans le silence d’une nuit qui durera peut-être toujours. Signe des temps, le fantastique et l’inquiétude ont envahi son cinéma. Pour contrer les ténèbres, un seul rempart, aussi ténu qu’infranchissable : la musique, réelle comme rêvée.

Axel Biglete

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4. Drive my car de Ryusuke Hamaguchi

La voiture, écrin de tant de récits, devient ici un navire qui transporte deux être endeuillés, un metteur en scène et sa conductrice. Dans cet espace confiné, certains récits se font sur le bout des lèvres. Grâce à un scénario maîtrisé sous l’influence de Murakami et de Tchekhov, Hamaguchi met en scène avec brio le silence qui suit les grands drames. Il semble alors nous demander : après les catastrophes, comment vivre ? Et c’est bouleversant.

Romane Demidoff

5.  Notturno de Gianfranco Rosi

Notturno vient nous rappeler que c’est dans le documentaire que se cachent, presque clandestinement, quelques-uns des plus grands formalistes de notre époque cinématographique. Quelque part entre le chant mythologique et le transbahutage des imaginaires, Rosi se confronte à la réalité et au rêve d’un Moyen-Orient d’après la guerre, avec cette croyance que le cinéma peut venir laver notre regard des images-parasites qui le polluent.

Corentin Destefanis Dupin 

Retrouvez la critique complète de Notturno

6. Matrix Resurrections de Lana Wachowski

Resurrections aurait pu s’appeler Reloaded. Rechargement de la Matrice, de ses figures christiques, du regard aiguisé de Lana Wachowski. Grand film sur le corps, les traits vieillis de ses héros, les seuls avoir subi les affres du temps, à avoir conservé leur apparence au travers du miroir. Comme en 1999, ce nouvel opus, vingt ans plus tard, transgresse les lignes de codes formatés d’un cinéma hollywoodien aseptisé et uniforme, avec l’espérance désabusée de provoquer de nouvelles Revolutions.

Théodore Anglio-Longre

7. Le Diable n’existe pas de Mohammad Rasoulof

Ours d’Or 2020 à Berlin, Le Diable n’existe pas confirme son couronnement par un Top 10 de la rédaction Zone Critique. Mohammad Rasoulof capture à la perfection les paysages de son pays, l’Iran, pour en laisser émaner la beauté et la noirceur. Structuré en épisodes, ce film nous immerge au cœur de quatre destins, et nous parle de morts et d’amours, que des choix moraux ont permis ou interdits.

Manon Boyer

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8. France de Bruno Dumont 

A l’épure de Jeanne succède la grandiloquence de France, soit la critique acerbe du monde des médias, comme la transfiguration d’une société parasitée par la manipulation des images. Dans ce grand barnum, ne subsiste que le regard impénétrable de son héroïne/actrice, dont la mue conduit à la vision d’un ciel hors-champ, libératrice et unique sortie de secours/route, d’une violence absurde.

Théodore Anglio-Longre

Retrouvez notre entretien avec Bruno Dumont 

9. Petite Maman de Céline Sciamma

Que peut l’imaginaire d’un enfant ? Pour certains, une éclaircie, un ballon, un bout de mur,  c’est le Maracana. Pour Nelly, l’héroïne de Petite Maman, il s’agit ni plus ni moins que de faire de l’exploration du (modeste) jardin familial le moyen de renverser la mort, de traverser les époques et les âges, à la recherche d’un amour à sauver. La transcendance, le plus simplement du monde.

Corentin Destefanis Dupin 

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10. The French Dispatch de Wes Anderson

Fidèle à son dandysme cinéphile, Wes Anderson livre avec The French Dispatch un hommage au cinéma français et aux grandes heures du journalisme littéraire. Le film se déploie comme les pages d’un journal, et l’on suit une galerie de personnages fantasques et attachants à travers des situations à la fois burlesques et pleines de charme. Avec un esthétisme flamboyant, s’opère alors une mise en abyme du processus de création : le cinéaste est comme le rédacteur en chef du journal, maître d’orchestre de cette féerie.

Tristan Duval-Cos

Retrouvez la critique complète de The French Dispatch