DEUS EX MACHINA CAFE, de la compagnie Bacchus+5, est une plongée dans un monde absurde et jubilatoire où la parole est action, l’imagination une invitée de marque et la folie un prérequis. Zone Critique a pu découvrir cette pièce électrique aux Déchargeurs. Ce voyage en terre de la déraison vaut le détour.

Pas de fil rouge 

DEUS EX MACHINA CAFE est la thérapie de traumatismes communs par le rire de l’absurde. 

Après avoir été accueilli par deux comédien.ne.s avec des masques d’animaux prostré.e.s près d’une femme prête à accoucher sur une table d’opération, on se demande réellement ce qu’on va voir. Puis, sans trop de cérémonie, la femme donne naissance à une longue ficelle écarlate. Une voix off retentit alors “dans ce spectacle, il n’y aura pas de fil rouge.” Aussitôt dit, aussitôt fait, les comédien.ne.s ont fait tomber leurs masques et dansent à présent sur un rythme effréné de disco. Le ton est donné – tout peut arriver à tout moment pour peu que cela apparaisse sous nos yeux.

Ce patchwork coloré fonctionne, quand on sort de la pièce on a mal aux zygomatiques d’avoir ri et souri trop fort. Dans le crâne, on a un tourbillons d’images irréelles et pourtant très cocasses. S’il fallait résumer ce qu’on avait vécu cela donnerait quelque chose comme : Des chirurgiens dansent pour soigner leur patient avant de devenir des cowboys, pendant ce temps chamallowman sauve des biscottes, les araignées montent un syndicat là où les crabes sont des fachos, le soleil est en dépression, starwars passe à la radio… Cela revient à raconter un rêve confus où il nous reste encore sous les paupières la joie diffuse de ces moments vécus.

Pourtant, si on prend le temps de s’attarder un peu sur les images de la pièce, c’est comme si notre inconscient souhaitait nous faire digérer des réalités parfois insoutenables : la désillusion politique, le dérèglement climatique, la pente glissante du capitalisme…. Si les codes traditionnels de la narration sont dynamités, le fil rouge est bel et bien tissé. La pièce nous fait rire des craintes de notre époque, elle nous offre à voir bien éveillé.e.s, un rêve où notre inconscient à eu trop de grain à moudre après toutes ces années à refouler. DEUS EX MACHINA CAFE est la thérapie de traumatismes communs par le rire de l’absurde.

(c) ZO Prod

Dans les corps

Le geste bien que dynamique est en effet d’une extrême précision.

Ce qui fonctionne et fait que nous sommes immédiatement embarqué.e.s dans ce monde absurde est l’engagement des comédien.ne.s. La pièce est très minimaliste avec peu d’accessoires et une scénographie très légère. Le visuel réside tout entier dans les corps et l’énergie formidable que les comédien.ne.s savent mobiliser. Le café semble leur avoir été prodigué directement en intraveineuse tellement leurs corps virevoltent, sautent, se jettent dans tous les sens et tout au long de la pièce.

Mais il y a une vraie rigueur et discipline dans ce joyeux bazar. Le geste bien que dynamique est en effet d’une extrême précision.
Aussi, l’image farfelue qu’elle puisse être, nous est immédiatement donnée à voir. L’exemple le plus frappant est lorsque Nicolas Quelquejayet et Samuel Labrousse s’essayent à un duel de revoler armés uniquement de leurs doigts. La pression monte au fur et à mesure qu’ils reprennent les codes des films Western, ils poussent la surprise toujours plus loin. Précipités par cette envie de saisir l’inattendu, ils s’élancent alors dans une cavalcade immobile. De façon assez troublante, les spectateurs voient très lisiblement les destriers qu’ils chevauchent et la course effrénée entre les deux cowboys. La magie est là, on arrive presque à palper l’imaginaire.

(c) ZO Prod

Rire comme des enfants 

La rencontre se fait ailleurs, dans le plaisir brut de quelque chose de l’enfance, où tout fonctionne pour peu que cela amuse et où tout existe pour peu que cela joue. 

S’il est finalement question de fil rouge, il est plutôt question d’une esthétique qu’on pourrait qualifier de “bouts de ficelles”. Il ne faut pas grand chose pour créer beaucoup. Des mondes entiers apparaissent sous nos yeux du simple fait qu’on change les perspectives et qu’on mélange ce qui ne devait pas être mélangé.

A un moment donné, un automate souhaite être à la tête d’un empire de volailles. Toute la scène de son ascension sur musique épique à fond les décibels est représentée en ombres chinoises. Des petites marionnettes en papier – qui représentent l’usine, les poulets, les ouvriers – sont manipulées de sorte qu’on a le sentiment de mouvement de caméras. Ce drap blanc tiré devient comme un système D de générique de BlockBuster en banqueroute.

Et si l’on voit littéralement tous les rouages utilisés par les comédien.ne.s, on passe complétement outre. La rencontre se fait ailleurs, dans le plaisir brut de quelque chose de l’enfance, où tout fonctionne pour peu que cela amuse et où tout existe pour peu que cela joue.

DEUS EX MACHINA CAFE aide à vous reconnecter avec votre inconscient, votre esprit d’enfant et vous fait travailler activement les zygomatiques. 

DEUS EX MACHINA CAFE joue jusqu’au 22/04/2023 – 21H00 les jeudis, vendredis et samedis aux Déchargeurs (Paris, 75001)
(c) ZO Prod

Crédit photo : (c) ZO Prod