La vie de Natacha se fissure lorsqu’elle remarque une odeur étrangère sur son mari. Convaincue qu’il la trompe, elle plonge dans une jalousie destructrice. Un texte sombre, mais juste, proposé par Thibault Djian.
De toute cette machinerie, je n’en pouvais plus, mon corps était à bout.
Après ça, la violence, la colère, le déni, le désarroi, il ne restera plus rien, ou alors juste mon corps entre quatre planches. Et des larmes, peut-être, des cris et des discours prononcés pour faire l’éloge de la personne que j’étais. Je les entends déjà : « Natacha était une bonne mère. Douce, aimante, toujours présente pour ses enfants. » Je les vois déjà, mes parents, ceux qui pleurent au premier rang dans l’église. Je vois ma mère portant un mouchoir près de ses yeux pour essuyer ses larmes colorées à cause du maquillage.
Aucun ne dira que j’étais une folle, bien sûr, une hystérique, personne ne parlera de cette certitude qui me tue : mon mari se tape une pauvre pimbêche écervelée. Et même s’il ne voit en elle qu’un cul, le paradis entre ses cuisses, c’est toujours mieux que rien : mieux que de ne pas me voir du tout.
Quand il rentre le soir, un parfum féminin, fort et fruité, émane de ses vêtements. On dirait qu’il ne s’en cache même pas.
— C’est quoi cette odeur ? Tu étais avec une femme aujourd’hui ?
Il se tait, ne répond pas, fait grise mine et s’efface dans son bureau pour finaliser un dossier sur lequel il travaille depuis des mois. Le soir, mon mari ne mange pas avec nous. Il se dit las, fatigué de travailler des heures et des heures sur cette affaire stressante, propice à une promotion. Alors il annonce :
— Je vais aller dormir, je ne suis pas bien.
Et tandis qu’il se couche, je me permets de fouiller dans sa sacoche. Mais rien ; ni de préservatifs, pas de carte d’hôtel. Dans son téléphone, l’historique des appels est effacé, celui des pages Internet consultées, également. Mon mari me cache quelque chose, il prend toutes les précautions nécessaires.
Je le rejoins dans le lit. Il dort profondément, respire fort. Je le touche, apprécie sa musculature, l’examine. Je remarque une griffure sur son flanc gauche. Une traînée franche, nette, avec des gouttes de sang séchées à la surface.
Le lendemain matin, nous nous réveillons. Les enfants s’impatientent de profiter de leur père à l’heure du petit déjeuner.
— Qu’est-ce que tu veux Gabriel ? Un chocolat chaud ? Des biscottes ? Et toi Abigail ?
Les enfants lui répondent du tac au tac.
Je le regarde faire comme si de rien n’était ; son attitude m’agace. Il rigole, s’amuse avec nos mômes alors qu’hier, il était avec une autre. Il a baisé avec une autre. Moi je ne peux pas penser à autre chose, et quand il sourit je vois le visage de l’autre femme, les mains et la bouche de l’autre. Tout est sali.
— Et toi Natacha, qu’est-ce que tu veux ?
Je ne dis rien, ne souhaite pas qu’il s’attarde à mes interrogations.
Quelques jours plus tard, Emmanuel est revenu avec les mêmes odeurs, fortes et parfois rances. Des griffures sur les bras et les jambes. Je sais qu’il s’abandonne à des plaisirs charnels que je ne lui offre pas, qu’il ...