À quatorze ans, certaines filles incarnent déjà le désir ; d’autres doivent jouer l’innocence. Entre fascination, jalousie, et faux-semblants, Floriane Gitenay explore avec finesse la frontière ténue qui sépare celles qu’on regarde de celles qui prétendent ne pas vouloir être vues. Un texte puissant sur les rôles imposés, les masques adolescents, et la complexité troublante du désir.

À 14 ans, seuls les garçons ont le droit de parler du sexe. Les garçons, tous les garçons. Certaines filles peuvent risquer une allusion, cela leur va bien. Elles ne sont pas tout à fait comme nous, elles ont déjà un pied dans le sexe, quelque chose d’un peu vulgaire qui s’accroche à leur corps, leurs immenses créoles ou leurs yeux barbouillés de noir. 

Elles peuvent se permettre cette incursion-là dans le territoire des garçons, c’est quelque chose qu’elles portent déjà sur elles, et eux ça les fait rire, ça les excite, cette chose un peu sale dans leur bouche.

Elles sont déjà un peu dans le sexe, elles ont conscience de leurs seins gonflés, de leur cul, de leurs cuisses. Ce sont des filles que les garçons s’autorisent un peu plus à toucher, dans les cages d’escaliers ou le fond d’un couloir. Leurs corps semblent vivre pour les regards. 

En bande, ils s’enragent les uns les autres. Les commentaires les plus obscènes ne viennent pas des plus populaires mais de ceux qui rêvent de l’être, sexualiser les filles est un rite de passage, un moyen de faire leurs preuves. 

Nous ne pouvons pas nous permettre ces mots, même chuchotés, même en murmures à peine audibles, c’est impossible. Ce territoire nous est interdit. Et puis nous ne saurions même pas quoi dire. Le continent du sexe est un mystère. Nous devons jouer les sourdes et les aveugles, les choquées lorsque dans nos oreilles tombe une blague. 

Alors que c’est faux. Alors que j’ai tout aussi conscience que Mona de la forme de mes seins, de mes cuisses. Alors qu’en cours de sport je choisis exprès des débardeurs bien échancrés pour que les garçons puissent y couler leurs yeux, que je f...