Stan émerge dans l’immensité blanche et viscérale d’un monstre marin. Perdu au milieu des chairs humides, il cherche désespérément Marina, l’amour de sa vie, et son frère, tandis que les souvenirs de l’accident lui reviennent en flashs violents. Entre succion, vertige et chair caoutchouteuse, la survie devient une question de secondes… Un texte haletant et poétique, écrit par Sarah Ortolan. 

Le corps de Stan repose dans une cavité chaude, qui se soulève imperceptiblement, à intervalles réguliers. Une masse filamenteuse effleure son visage. Il lève la main et repousse la substance visqueuse de sa joue. Ses yeux s’ouvrent. Tout est blanc et flou. Il se relève, et le sol tangue sous ses pieds.

Autour de lui, l’immensité nacrée. Une hauteur sous plafond comme il n’en a jamais vue. Les murs font trente, cinquante fois sa taille. La lumière du jour, douce et pâle, filtre à certains endroits. Stan baisse la tête. À quelques mètres, un tuyau gigantesque descend et disparaît dans le noir. Pris de vertige, il s’appuie contre un mur, et retire prestement sa main. C’est mou et tiède, un peu humide. Caoutchouteux. On dirait la chair d’une coquille Saint-Jacques.

Il se souvient par bribes. D’avoir été sur le bateau de son frère. De Marina, si belle dans son bikini blanc, de ses regards en coin, du soleil qui faisait scintiller leurs verres. D’une montagne, au loin. Du ciel d’été qui s’assombrit d’un coup. Du hurlement de Nico, et d’avoir tourné la tête machinalement, prêt à se moquer de lui. Du truc démesuré – un tronc d’arbre ? – qui s’abat sur le pont, et d’une multitude de ventouses, chacune de la taille d’une assiette, s’y fixant en même temps, avec un affreux bruit de succion. De la coque qui se retourne. De boire la tasse et, en une fraction de seconde, d’être au fond de l’océan, nez à nez avec lui, si grand, absurdement grand : le monstre violacé. De l’avoir reconnu, tel que dans les livres de son enfance, à son crâne chauve de la dimension d’un immeuble ; à sa peau granuleuse, où chaque pustule se dressait comme une colline ; à ses yeux noirs, luisants, sans expression.

Puis, plus rien.

Et maintenant, il est là. Son cœur se met à battre à tout rompre. Sur le sol mouillé et glaireux, une profusion de coquillages, de crustacés, d’algues, et de poissons, aussi – certains morts, d’autres encore agités de soubresauts –, qu’il écrase par dizaines, marchant sans but, sans direction.

Marina ? Nico ?

Il crie leurs prénoms, et le grand tissu muqueux qui l’entoure vibre tristement, lui renvoyant l’écho de sa voix éraillée.

Pitié Seigneur, faites qu’elle s’en soit sortie, murm...