Illustration : atelier de Marilou Poncin

Le corps est au cœur de la création artistique contemporaine, à l’heure où l’art figuratif revient en force. Comment les artistes le représentent-ils ? Que mettent-ils de leur propre corps dans ces œuvres ? Fantasmes débordants, déchirures intimes, transfiguration de la chair, horizon politique…  Au fil de mes échanges avec Madeleine Roger-Lacan, Marilou Poncin, Lucile Boiron et Jean Nipon, j’ai cherché à comprendre comment l’art façonne, à travers le corps, les fantasmes, rêves et mondes intérieurs de ces artistes.

En littérature, on assiste depuis quelques décennies à la libération d’une parole charnelle. « L’être aimé » de Roland Barthes a fait long feu, il a maintenant un corps, un vrai : un cul s’écrit désormais « cul », c’est comme ça et basta. Chez les écrivains (et écrivaines surtout), les corps s’affirment, redeviennent concrets.

De leur côté, les artistes contemporains (peintres, photographes, vidéastes pour ne citer qu’eux) semblent prendre une autre direction : les représentations de corps fracturés, informes, sans véritable nature, peuplent les musées d’art contemporain. Dans les arts de l’image, l’identité physique se déconstruit, en écho à un monde virtuel omniprésent, peuplé de corps absents et désincarnés. Et si cette absence de matérialité des corps poussait les artistes à repenser leur pratique, à trouver de nouvelles voies ? Celles de l’ironie, du détournement des clichés du monde numérique, des installations surréalistes ou des mondes fantastiques et ultra-personnels. 

Ces registres de la création, à l’œuvre dans l’art contemporain, j’ai souhaité les rassembler dans cette série de portraits d’artistes commencée sous le ciel gras de l’hiver parisien. Et il me fallait une pluralité de pratiques pour représenter un peu l’horizon vaste de la création contemporaine. Voilà quatre artistes, donc, qui ont en commun de posséder un langage artistique unique, riche et immédiatement reconnaissable :

Madeleine Roger-Lacan et ses peintures où s’envisage un érotisme libéré des entraves morales comme formelles.

La photographe Lucile Boiron et ses fragments de chair arrachés d’un morceau de réel.

L’artiste plasticienne Marilou Poncin et ses mondes imaginaires où les corps féminins enfermés reprennent vie.

Jean Nipon enfin, artiste-dessinateur qui par la perfection classique de son trait transforme le désir charnel en un monde désenchanté. 

Tous ont en commun, surtout, de travailler sur la représentation des corps, et de s’y accrocher dans une régularité, une obsession, qui fascine. Avec chacun, j’ai voulu en savoir plus sur les mondes intimes qu’ils cachent et découvrent par leur art.

Atelier de Madeleine Roger-Lacan
Atelier de Lucile Boiron