Palais des Congrès de Montréal, mercredi 27 novembre, un peu avant 9h. Les portes du salon du livre sont sur le point de s’ouvrir pour une nouvelle édition organisée dans toute la ville, bien au-delà de l’immense hall d’exposition situé près du Vieux-Montréal. Arpenter les allées de cet événement offre un aperçu sur les vedettes des prochaines rentrées littéraires en France et permet de découvrir les nouvelles voix du Québec. Visite guidée. 

Il ne faut pas craindre les enfants en ce premier jour du salon du livre de Montréal. Dès l’ouverture des portiques, ils envahissent les allées, courent d’un espace à l’autre jusqu’à épuisement, si bien qu’ils finissent, dès le milieu de matinée, allongés ou assis dans les endroits les plus incongrus du parc des expositions, un livre ou un encas en main. Tant mieux. Voir leur enthousiasme face aux mangas, BD et autres romans jeunesse devrait rassurer n’importe quel enseignant ou éducateur, mais là n’est pas le sujet de l’article. Recentrons-nous.

Comme chaque année, à l’approche de l’hiver, le salon du livre de Montréal est un événement littéraire majeur pour promouvoir la création locale. Considérée comme jeune et issue d’une tradition orale en lien avec le terroir, la littérature au Québec parvient à échapper aux cadres rigides forgés au fil des siècles en Europe. Il faut dire que le premier roman québécois (au sens moderne du terme) date de 1837 (L’Influence d’un livre de Philippe Aubert de Gaspé fils). Les décennies suivantes permettront à cette littérature de se structurer à travers des mouvements comme l’Ecole littéraire de Montréal (1895) et la figure d’Émile Nelligan (poète comparé à Rimbaud), puis un mouvement autour de la critique cléricale. Le XXe siècle sera marqué par Hector de Saint-Denys Garneau, l’un des premiers poètes à pratiquer le vers libre au Québec, ou des romans plus urbains comme ceux de Gabrielle Roy. 

Une tradition orale

Les années 1960 vont être un tournant majeur à la faveur de la révolution tranquille (révolution politique et sociale qui vise une modernisation des institutions à travers la laïcisation ou le développement de l’enseignement public) avec des artistes importants : Réjean Ducharme, Marie-Claire Blais, Anne Hébert… Il s’agit d’une « période charnière sur le plan institutionnel et c’est aussi à ce moment que l’adjectif québécois a été adopté (autour de 1964-1965) », précise Marie-Emmanuelle Lapointe, professeure au Département des littératures de langue française à l’université de Montréal. Enfin, à partir des années 2000, de nombreuses maisons d’édition vont être fondées au Québec et changer le paysage éditorial local. 

Cette très brève histoire de la littérature au Québec a pour but d’essayer de comprendre, comme le confirment plusieurs éditeurs dans les allées du salon du livre de Montréal, cette liberté de ton et de forme que l’on peut observer dans l’écriture contemporaine québécoise. Sans pour autant renier le passé, puisque les traditions orales et les récits liés aux territoires ou aux terroirs façonnent le roman moderne au Québec. Ainsi, les voix s’expriment de manière plus diverse, sans s’encombrer d’un genre littéraire, et le rapport aux éléments, ou à la matière, est au cœur des considérations lors du processus de création. Le Salon du livre de Montréal permet de les découvrir avant qu’elles n’arrivent en France, puisque les tractations vont fort, en cette période de l’année, pour acquérir les droits des f...