Dans ce premier documentaire Apolonia, Apolonia, la réalisatrice danoise Léa Glob portraiture l’artiste peintre Apolonia Sokol durant 13 ans et ouvre une lucarne sur une existence singulière, entre Paris, Los Angeles et Istanbul.
Nombreux sont les artistes qui passent derrière la caméra, l’exercice constituant presque un genre en soi : de Pablo Picasso à Louise Bourgeois, tous s’y sont livrés, sans doute attirés par le pouvoir de storytelling que proposait le cinéma. Représenter ceux qui représentent, capter l’envers du tableau, prolonger le geste de l’artiste qui cherche (vainement ou pas) à vaincre la mort apparaît dès lors comme un enjeu fascinant pour un cinéaste.
Léa Glob raconte le destin de corps de femmes libres et militantes
Mais si l’on saisissait un artiste non pas satisfait et faussement modeste au sommet de sa gloire, mais dans ses bégaiements et ses errances ? C’est le pari que fait la réalisatrice Léa Glob. Danoise d’origine, cette jeune cinéaste rencontre par hasard une jeune femme parisienne, issue de la diaspora polonaise, Apolonia Sokol. Ce qui ne devait d’abord être qu’un exercice scolaire de dix minutes s’est mué en un long portrait de deux heures qui commence durant sa vie bohème, dans le théâtre parisien le Lavoir, et qui s’achève avec son succès stambouliote, sans faire l’impasse sur ses pérégrinations américaines. Sur un mode qui pourrait nous évoquer le très beau Adolescentes de Sébastien Liftshitz – le réalisateur suivait durant les quatre années charnières de l’adolescence deux amies dans la campagne française – la réalisatrice utilise la caméra comme un moyen de capturer le temps qui passe, les corps qui changent et les ambitions qui varient. Énergique et drôle, affirmée et radicale, belle et mélancolique, Apolonia Sokol pourrait être l’héroïne d’une fiction. D’ailleurs, Apolonia est, depuis toujours, un être fait de fictions et d’images : ses parents possèdent des milliers de cassettes, qui encapsulent toute sa vie, procréation comprise. Habituée à être sous l’œil de la caméra, Apolonia se livre sans fard à la cinéaste. Mais dès la première scène, elle tente de renverser le cadre imposé : se saisissant de la caméra, elle filme à son tour Léa Glob et suggère ainsi que ce film, plus que d’être un simple portrait, retrace la cohabitation ambiguë de deux femmes : la filmante et la ...