Premier roman de l’actrice, scénariste et metteuse en scène Séphora Pondi, Avale, déjà acclamé par Les Inrocks, Télérama et bien d’autres, se veut flamboyant et sensuel… et le plus loin possible de l’autofiction.
Avale. Le titre claque comme une injonction dérangeante, qui nous attire autant qu’elle nous repousse. Une injonction osée, d’autant plus qu’elle s’affiche sur la couverture d’une prestigieuse maison d’édition. En supplément, c’est un premier roman et le résumé est alléchant : Tom, de son vrai nom Romain Marais, un étudiant paumé et érotomane, croise le chemin de Lame, une actrice noire en pleine ascension, mais en proie à des problèmes de peau. Tout ça finit dans le sang. Combo gagnant ?


Adieux à l’enfance
Avale, c’est d’abord l’histoire de deux personnages à qui on confisque leur innocence. L’air vicié de notre époque les force à s’extirper hors de l’enfance très vite, trop vite, pour ne pas se faire dévorer par les dangers qui guettent partout, jusque devant les cours d’école, jusque dans les cours d’école.
Pour Lame, il faut supporter les traitements et les regards sur son corps de fille puis de femme racisée, qui la « jette à jamais hors de [s]on âge ». Il faut éviter les coups ou les rendre. Son prénom n’est d’ailleurs pas anodin, Lame est toujours sur ses gardes : « je dois rester armée, prête à fendre. » Heureusement, il y a l’amitié avec Génia, une sororité inattendue, qui l’élève et l’aide à survoler l’adolescence, à la surmonter.

« Au cours de danse en primaire, on me faisait danser sur “Lady Marmalade”. Avec les autres gamines, on clamait “Voulez-vous coucher avec moi ?” dans la salle de classe aux chaises renversées. Ensuite, on retournait jouer à la marelle. Les repères étaient flous, confus. Les filles quittaient l’enfance en courant : elles y étaient invitées. »

Romain n’a pas cette chance. Très tôt, il est moqué par tous : sa monstrueuse manière de manger, son odeur corporelle, jusqu’à son « cul de fille », dixit son père. On nous dit : « Autrefois, Romain était un garçon rieur et doux mais l’enfance n’a rien laissé de beau, juste une amertume qui le colle. » L’amertume, si tôt dans la vie, ça ne pardonne pas. Le basculement a lieu à treize ans, dans le temple de l’enfance : Disneyland Paris, où Romain a invité ses deux meilleurs amis. Le soir, dans la chambre d’hôtel du Santa Fe, les garçons jouent aux grands : des clopes, de la vodka et, de fil en aiguille, un film porno, intitulé Tomboy. En résulte une scène puissante, qui nous plonge dans un malaise palpable en touchant quelque chose de l’adolescence, cette crête entre l’innocence de l’enfance et la violence de l’adulte (et qui nous rappelle ce qu’on ressent au visionnage de la série Adolesence). Scène qui signe la mort sociale de Romain qui devient dès lors Tom le paria, condamné à la solitude aux marges de la société.


Contre corps
Avale expose ses deux personnages dans ces basculements charnières que sont le passage de l’enfance à l’adolescence et de l’adolescence à l’âge adulte. Cela contribue peut-être encore à cette attention que port...