Pour sa 72e édition, le Festival de Cannes ouvrira les festivités sur un film de zombies signé Jim Jarmusch, The Dead Don’t Die. Le réalisateur de Dead Man poursuit sa déclinaison du thème de la mort, en troquant les codes du western contre ceux du cinéma de genre. Un domaine qu’il avait exploré avec les vampires d’Only Lovers Left Alive, prix Cannes Soundtrack en 2013. Pour l’heure, on sait seulement que ce nouveau long-métrage sera projeté en Compétition officielle. Mais qu’en est-il de la vingtaine d’autres compétiteurs qui concourront à la Palme d’or ? Tour d’horizon des petites et grandes espérances que réserve cette année 2019.
La classe américaine
Quentin Tarantino, Once Upon A Time In… Hollywood
Fidèle à sa tradition, le Festival de Cannes devrait dérouler le tapis rouge aux habitués. Jarmusch en fait partie. Verra-t-on à ses côtés son compatriote, non moins féru de cinéma de genre, Quentin Tarantino ? S’il avait adressé un mythique middle finger à une détractrice pour Pulp Fiction, c’est désormais contre l’industrie hollywoodienne qu’il dirige sa riposte. Derrière un titre hommage à Sergio Leone et le duo Leonardo DiCaprio / Brad Pitt, ce film vaut à Tarantino d’ancrer sa cinéphilie dans les années 1970. Une époque qu’on à hâte de découvrir dans le viseur du flingueur d’Hollywood !
Martin Scorsese, The Irishman
Parfois boudées par le Festival pour laisser davantage de place aux productions étrangères plus modestes, les grosses productions américaines ont cette année de fiers représentants, puisqu’en plus de Tarantino, Martin Scorsese a dans sa manche une proposition choc : The Irishman. Réunissant les deux ténors du film de mafia, Al Pacino et Robert De Niro, ce biopic aux accents de thriller, en développement de longue date, devrait concentrer la quintessence du style Scorsese.
James Gray, Ad Astra
Comme chez lui sur La Croisette, James Gray fait partie des cinéastes « calibrés » pour le Festival de Cannes, au point d’occuper la fonction de juré quand il ne défend pas un film en Compétition. Son dernier-né, Ad Astra, a l’atout d’avoir Brad Pitt en tête d’affiche et de réserver un voyage SF loin de la galaxie newyorkaise à laquelle le cinéaste nous avait habitués. Un pari dont l’audace pourrait séduire le sélectionneur du Festival.
Les outsiders
Steven Soderbergh, The Laundromat
Après un détour par la case séries, Steven Soderbergh aurait pu revenir au grand écran avec The Laundromat, film engagé sur le scandale des Panama Papers, porté par Meryl Streep et Gary Oldman. Toutefois, la distribution attribuée à Netflix ne présage pas d’une sélection cannoise, comme il a été décidé pour l’édition précédente de ne retenir en Compétition officielle que les films qui ont vocation à sortir en salles. Ce sujet, reflet des enjeux cinématographiques actuels, ne manquera certainement pas d’être abordé en conférence de presse.
Justine Triet, Sybil
Réunissant Gaspard Ulliel, la palmée Adèle Exarchopoulos et Virginie Effira, alias la Victoria du film éponyme, Sybil pourrait propulser Justine Triet (La Bataille de Solférino) dans la cour des grands. Toutefois, la Compétition est par définition très sélective, et les précédentes sélections de la cinéaste en sections parallèles – l’ACID et la Semaine de la Critique – présagent peut-être davantage d’une voie connexe, comme La Quinzaine des Réalisateurs.
Valérie Donzelli, Notre Dame
On se souvient de l’ouverture de la Semaine de la Critique 2011 sur le film plein d’émotion et d’énergie La Guerre est déclarée. Son auteure-interprète-réalisatrice pourrait revenir à Cannes avec un film aux contours mystérieux, sur les remariages malheureux. En dépit du thème, le ton sera léger puisque le scénariste d’En Liberté ! Benjamin Charbit collabore à l’écriture. Devant la caméra, on retrouve Donzelli elle-même, comme de coutume, ainsi que Virginie Ledoyen, Bouli Lanners, le désormais acteur Philippe Katerine et Pierre Deladonchamps qui donne l’impression de ne jamais louper une édition du Festival.
Hirokazu Kore-eda, La Vérité
Citer le lauréat de la dernière Palme d’or dans la catégorie des outsiders peut surprendre, mais il semblerait que le cinéaste japonais n’ait pas visé le prix suprême avec ce film, mais que celui-ci soit suffisamment de qualité pour envisager une sélection à la marge de la Compétition. Le titre rappelle le film de Clouzot, néanmoins ce n’est pas à Brigitte Bardot que Kore-eda fait appel mais à une autre star française de la même génération : Catherine Deneuve. Autre frenchie à l’affiche, Juliette Binoche voit Ethan Hawk compléter le casting.
Les Français les plus en lice
Céline Sciamma, Portrait de la jeune fille en feu
Révélée derrière la caméra de La Naissance des pieuvres en section Un Certain Regard, la réalisatrice Céline Sciamma n’a rien perdu de l’incandescence de ses débuts. Comme de coutume, elle offre le rôle-titre de Portrait de la jeune fille en feu à sa muse Adèle Haenel. Autant film de femmes que film historique, ce drame sur une peintre du XVIIIe siècle pourrait être une des belles pièces de la galerie de la Compétition officielle.
Rebecca Zlotowski, Une fille facile
Autre femme forte du paysage cinématographique hexagonal, Rebecca Zlotowski propose, comme sa consœur, une histoire de fille. Chez elle, il s’agit d’Une fille facile, fresque adolescence au casting improbable : Clotilde Courau, Benoît Magimel, Nuno Lopes et Zahia Dehar, plus connue pour ses accointances troubles avec le joueur de foot Frank Ribéry que pour ses talents d’actrice.
Alice Winocour, Proxima
Il a parfois été reproché au Festival de ne pas suffisamment mettre en avant les réalisatrices. Gageons que l’ère post #meetoo leur soit favorable. Très appréciée de la critique, Alice Winocour imagine, à l’instar de James Gray, de tutoyer les étoiles avec Proxima. La différence est que son astronaute est une femme, qui prend les traits d’Eva Green. Pour lui donner la réplique, Matt Dillon – qui avait fait forte impression en tueur en série du film de Lars Von Trier l’an dernier – inscrit également son nom au générique.
Arnaud Desplechin, Roubaix, une ville de Lumière
Bruno Dumont, dont on murmure qu’il pourrait être sélectionné avec Jeanne, n’a pas l’apanage du Nord comme toile de fond. Desplechin en fait aussi le décor de son long métrage, un polar. Emmené par Léa Seydoux, Sara Forestier et Rochdy Zem, ce nouveau film du réalisateur de Trois souvenirs de ma jeunesse éclairera du feu des projecteurs sa ville de naissance. Lui qui a reçu de nombreuses sélections mais aucun trophée parviendra-t-il à se distinguer avec Roubaix, une ville de Lumière ?
Notons, par ailleurs, que les noms de l’espagnol Pedro Almodóvar (Douleur et gloire), du thaïlandais Apichatpong Weerasethakul (Memoria) et du québécois Xavier Dolan (Matthias & Maxime) circulent également.
Enfin, on a toutes les raisons de penser que la récente disparition d’Agnès Varda, et sa mise en avant sur l’affiche officielle, devraient se traduire par un hommage de Cannes Classics. Mettant à l’honneur le cinéma de patrimoine et les documentaires, cette sélection est traditionnellement dévoilée dans un second temps, peu après la révélation de la Compétition.
La sélection officielle de Thierry Frémaux suivra-t-elle ces pronostics ? Pour en avoir le cœur net, rendez-vous sur le streaming live de la conférence de presse, ce jeudi 18 avril, à 11h.
Pour rappel, la 72e édition du Festival de Cannes se déroulera du 1 au 24 mai prochains, sous la présidence d’Alejandro González Iñárritu.