Charlie Demoulin, enfant du troisième millénaire, signe Silence me mord, un premier récit déconstruit qui n’est pas tout à fait un roman, mais plutôt un autoportrait désenchanté. Sexe, drogue et alcool forment la trame quotidienne du narrateur, qui ne trouve dans la baise effrénée et la « défonce » qu’une fuite temporaire à l’absurdité de l’existence.
Ce récit de 90 pages, sans réelle intrigue, se déroule pendant le confinement, une période marquée par la solitude où la vacuité de l’existence se dilue dans une écriture brute. Charlie Demoulin incarne l’après-Hubert Selby, un auteur américain au style cru : une quête désespérée d’expériences extrêmes qui se heurte aux murs de la société et, surtout, aux murs intérieurs. Charlie Demoulin dépeint, depuis le sanctuaire des excès, les travers d’un monde désorienté. Entre le tournage d’un film pornographique, des sorties nocturnes déjantées et un entraînement de boxe raté, le narrateur non-binaire se perd dans des aventures d’un soir, plongeant le lecteur dans un quotidien débridé, imprégné de vapeurs terpéniques et de troubles dysuriques.
Le personnage principal, anonyme, s’apparente à un situationniste, membre de ce mouvement intellectuel et artistique des années 1950-60, dont l’ambition était de critiquer avec virulence la société de consommation et le capitalisme. Par des pratiques telles que le détournement ou la dérive, ces penseurs cherchaient à libérer l’homme de son aliénation. Ici, le narrateur détourne même une partie du texte de Harry Potter de J.K. Rowling, y ajoutant des anecdotes licencieuses.
Quand narration rime avec inclusion
La plume de Charlie Demoulin oscille entre l’énergie brutale et grivoise de Virginie Despentes et la syntaxe dépouillée de Michel Houellebecq. C’est comme si Despentes et Houellebecq avaient décidé de faire un enfant littéraire, avec toute l’obscénité et la morosité que cela implique.
Ainsi, le narrateur, addict à la « branlette » et « aux joints », ne copule pas ; il « baise » ; il n’aime pas, il « kiffe » ; on ne l’embête pas, on « le fait chier » ; il n’est pas simplement ivre ou drogué, il est « défoncé » ; et il ne se promène pas, il « traîne ». Ce jeune homme nihiliste n’a pas mauvais goût : il écoute Chopin et les Beatles, et lit Martin Eden et L’Odyssée d’Homère. Mais il rabâche les mots « merde » et « putain » à foison, comme s’il ne pouvait exprimer ses frustrations que par ces jurons répétés à l’envi. Charlie Demoulin reste ici avare de belles formulations et de lyrisme, mais riche en répliques et descriptions salaces, comme celle de ses selles ; une de ses conquêtes innove même avec une recette de spaghetti au phallus.
L’inintelligibilité de certains passages re...