Produit et construit avec le collectif L’œil Nu, Michele Salimbeni sort son troisième long-métrage, The Mercy Tree : une longue fugue bachienne.

Le spectateur observe le huis clos des pensées et du quotidien d’une femme vivant seule à la campagne. Un quotidien monacal qui bascule dans l’apocalyptique au contact de la réalité.

Michele Salimbeni, The Mercy Tree

Zone Critique : Commençons par parler du format du film, pourquoi avoir fait le choix d’un cadre carré ?

Michele Salimbeni : Dans mon cinéma, la composition et le cadrage sont fondamentaux. Tous ces choix, celui de la composition, des plans et du format, je les fais en fonction du film. C’est-à-dire que je change de film en film. Pour La Louve, mon précédent long-métrage, le cadre était panoramique. Pour The Mercy Tree, j’avais besoin d’un format classique, donc carré, dans lequel je pouvais insérer ma composition. Déjà, parce que c’est le cadre du cinéma que j’aime : du cinéma classique hollywoodien, mais aussi de certains films de Tarkovski, comme Le Miroir. Deuxièmement, pour faire transparaître cette impression de claustrophobie. Je voulais restreindre le cadre pour rester avec les personnages, à l’extérieur comme à l’intérieur.

Z. C. : À propos de l’extérieur et des paysages, où avez-vous tourné le film ?

M. S. : Mes trois premiers films ont tous été tournés dans le même lieu, sur l’île de la Sardaigne, en Italie. J’y ai habité dix ans et c’est là-bas que j’ai commencé à faire mon cinéma, puisque je faisais déjà du cinéma à Rome pour d’autres réalisateurs. Dans The Mercy Tree, on voit la Sardaigne, on est là-bas, mais ça n’est jamais explicité. On peut reconnaître l’intérieur des terres de la Sardaigne, avec ses oliviers, mais l’histoire n’est pas liée au lieu. On pourrait aussi bien être partout.

Z. C. : Il y a beaucoup de plans à l’intérieur de natures mortes, qui semblent faire échos à cette nature, à l’extérieur, aux paysages de la Sardaigne, c’est une forme de symbolisme revendiqué ?

M. S. : Je suis naturellement symboliste. C’est quelque chose que je porte en moi et que j’ai conscientisé avec les années. J’ai commencé à faire du cinéma, des courts-métrages, à douze ans, et ce que je faisais à l’époque n’est pas si éloigné de ce que je fais aujourd’hui. Mais, ça n’est pas réfléchi, ni intellectualisé. Le symbolisme est important, c’est Baudelaire, mais au moment de la création, je ne pense pas au symbole, ça vient naturellement.

Z. C. : Vous tournez instinctivement, sans trop écrire le film ?

M. S. : Je travaille de façon viscérale. Je n’écris pas mes films, je les vois. C’est bizarre à dire, mais c’est comme s’ils m’apparaissaient dans un état de transe, du début à la fin. Ensuite, j’ai cultivé ma technique pendant des années. Mais quand j’en viens à écrire mon film, en fait, je l’ai déjà vu dans ma tête, exactement tel qu’il doit être. Je l’écris, je le tourne et je le coupe comme je l’ai vu.

Z. C. : Ça se ressent dans le film, dans le sens où c’est un film d’images et non pas de paroles...