Dans Les Nouveaux sauvages, le réalisateur argentin Damian Szifrón emmène ses personnages au bout du supportable pour un résultat savoureux et rempli d’humour noir.
Pour son deuxième film, Damian Szifrón a choisi de mettre en scène six histoires courtes. Le seul lien les unissant : un « pétage de plomb » de la part d’un ou de plusieurs personnages. Un craquage générale au moment précis où les conventions sociales, l’injustice, la trahison, ou encore la violence du système deviennent insupportables.
De ce parti, le réalisateur argentin tire deux heures remplies d’humour noir, de crises de nerfs et d’excès « où il est toujours question de catharsis, de vengeance et de destruction »explique-t-il. Présent dans la sélection officielle du dernier Festival de Cannes, le film avait emballé la presse mais était repartie bredouille de la croisette.
Vengeance
Avant même le générique, la première saynète se déroule dans un avion. On y suit une mannequin qui s’envole vers un nouveau défilé. Entamant une discussion avec son voisin, chroniqueur musical, les deux voyageurs se rendent compte qu’un fil les unis : Gabriel Pasternak. Cet ancien petit-ami de la mannequin s’est présenté à une audition dont le jury était présidé par le chroniqueur. Le musicien était tellement médiocre « que nous en avons ri pendant des mois » se moque encore ce dernier.
Mais la coïncidence ne fait que s’accroître lorsque leur voisine de devant révèle qu’elle est l’ancienne institutrice de « ce malade »… La réaction en chaîne se propage : chaque personne de l’avion semble avoir un lien avec ce mystérieux (et malheureux) Pasternak… Ayant souffert d’injustices toute sa vie, l’heure de la vengeance aurait-elle sonnée ?
« Je pense souvent à notre société occidentale et capitaliste comme une sorte de cage transparente qui amenuise notre sensibilité et dénature nos rapports,explique Damian Szifrón. Les Nouveaux sauvages opère sur un ensemble d’individus qui vivent dans cette cage tout en ignorant son existence. Mais là où n’importe qui déprime ou tente de se maîtriser, eux passent à l’action. »
Un ingénieur qui ne supporte plus de voir sa voiture embarquée à la fourrière, deux conducteurs qui se tirent la bourre, une cuisinière qui prend les armes pour faire payer tous les escrocs du monde…
Les histoires s’enchaînent, bien rythmées par une mise en scène dynamique, un bon jeu d’acteurs et une bande-originale maîtrisée. Avec, comme fil conducteur, une sorte de revanche des victimes. Qu’elles soient pauvres, faibles, cocues ou moquées, elles vont se rebeller.
- Les Nouveaux sauvages, de Damian Szifrón. Avec Ricardo Darín, Rita Cortese, Darío Grandinetti…
Lola Cloutour