Aujourd’hui, c’est avec plaisir que Zone Critique vous invite aux Doms pour la dernière d’« Angles Morts » – ce soir, à 2OH.« Parcours flamboyants » : ce sont les mots employés pour désigner la programmation du Théâtre pour le Festival Off 2023. On y parle de sororité, d’amour(s), de colères. Et sur les murs, le public peut voir les magnifiques illustrations de Marie Combet : « nous disons vivre différemment, nous disons faire famille autrement, nous disons s’aimer radicalement ». Très belle découverte, « Angles morts » explore au rythme du slam et des beats électro nos zones grises et nos rages. Retour sur cette création coup de cœur, de Joëlle Sambi.

Boxer les privilèges

« On leur fera pas l’honneur de nos silences (…) Je suis la force qui encaisse, qui refuse de tomber ».

« J’écris nos enfances absentes, saccagées par l’amour qui capitule. Conformées par l’espoir qui tient ses chevaux libres. J’écris un monde qui cesse de ramper dans les tranchées (…) j’écris tu sais… j’écris parce que c’est ce qu’il y a de plus utile à faire ». Angles morts est la première pièce créée comme metteuse en scène de Joëlle Sambi, en 2022. Militante lesbienne afroféministe, autrice, poétesse et réalisatrice, elle est aussi artiste associée du Théâtre National Wallonie-Bruxelles. Angles Morts, c’est aussi du slam, de la musique électro et du krump. Et sur la scène, rien de plus que des platines, un sac de frappe et un micro : « On leur fera pas l’honneur de nos silences (…) Je suis la force qui encaisse, qui refuse de tomber ». Joëlle Sambi prend la parole et navigue au creux d’un long poème  – magnifique  – dans les marges.

A l’aide de la musique envoûtante de Sarah Machine et de Kenza Deba qui  – « [fait] la révolution en dansant »  – elles réinvestissent l’espace de la scène et rendent les coups. On pense par exemple à l’interprétation de The Line is a Curve l’année dernière au Festival d’Avignon, par Kae Tempest. On y retrouve la même rage d’écrire du spoken word, la poésie  – brute  –  les mots qui claquent et qui cognent. Et tout l’écho militant aussi, qu’on ne peut pas ignorer : « D’un côté il y a les colères du ghetto invalidées et de l’autre, les guerres de la racine, réfléchies, entendables. D’un côté, les existences à filet qui écrivent et polissent les codes de leur classe… De l’autre, les transfuges toujours un peu freaks ». Véritable manifeste poético-politique, Joëlle Sambi déploie sur scène les cicatrices des violences systémiques de notre monde : raciales, sexistes, homophobes. Elle enjoint vigoureusement par la danse, la musique et les mots à créer un espace de paroles  – une brèche politique. Celle de l’urgence de dire. Parler de nos token, totem, tabous et de tous les angles morts qui gravitent – encore et toujours – autour de nous.

©Margot Briand

Manifeste poético-politique, Joëlle Sambi déploie sur scène les cicatrices des violences systémiques de notre monde

Joëlle Sambi, c’est aussi « Caillasses » : son premier receuil de poèmes, qui reçoit le prix SCAM du Comité belge en 2021. On y retrouve la prose du combat, les mots coup de poing d’Angles Morts. Actuellement en cours d’adaptation sur scène avec l’aide de Sarah Machine, « Caillasses Live » sera également en tournée en Suisse, et en France – à Nantes, le 11 Octobre 2023 prochain ! Zone Critique recommande chaudement. Il ne reste que ce soir pour découvrir Angles Morts au Théâtre des Doms

Alors, on s’y voit pour la dernière ?

Crédit photo : (©) Margot Briand