De la dernière saison d’Emily in Paris au cinéma de Jacques Audiard, du Paris Musée du XXIè siècle de Thomas Clerc à L’Histoire de Souleymane de Boris Lojkine, les représentations de la ville de Paris se renouvellent. Alors, comment écrit-on, comment filme-t-on Paris aujourd’hui ?
La dernière saison de la série Emily in Paris, nous présente un Paris rêvé, figé dans une esthétique de carte postale : une vision consumériste du rêve parisien, taillée sur mesure pour Instagram.
J’aimerais vivre dans le fabuleux monde d’Emily in Paris. Dans ce monde-là, je n’aurais pas galéré sur les applications de rencontre pendant des années pour dénicher un « mec bien ». Derrière la porte de mon studio de 15m² se serait déployé un espace cosy et lumineux, surplombé de poutres apparentes, offrant une vue magistrale sur la tour Eiffel ou le Sacré-cœur. Les crackheads n’envahiraient pas la place de Stalingrad dès lors que l’obscurité engloutirait les abords du canal de l’Ourcq. Le métro bondé ne serait qu’un cauchemar futile.
Dans Hanna in Paris, il m’aurait suffi de quelques pas pour tomber nez à nez avec un homme magnifique, sympathique, humble et célibataire de surcroît. Celui-ci aurait été envoûté dès le premier regard. Mes vêtements seraient luxueux, je porterais des talons toute la journée sans avoir la plante des pieds en feu. Parce que dans le monde des merveilles d’Emily, la réalité est toujours lissée, embellie, presque magique.
Je ne peux le nier, cette vision idéalisée de Paris m’a d’abord charmée. Dans les premières saisons d’Emily in Paris, un léger gloussement s’échappait de moi lorsqu’un quartier de Paris semblait trop reluisant pour être vrai. Les images aux couleurs saturées agrandissaient mes pupilles, mon cœur sautillait dans ma poitrine lorsque les lèvres des protagonistes se rencontraient. Je souriais béatement, je frémissais, je jubilais avec eux. Mon indulgence pour l’inexactitude de ce Paris factice était sans bornes.
Et puis, la saison 4 a été celle de trop. Suis-je devenue cynique ? Plus critique qu’auparavant ? Pourquoi cette saison 4 d’Emily in Paris m’a-t-elle autant exaspérée ? Les jolis plans de la capitale m’ont laissé de marbre, les belles gueules de ces mâles qui défilent m’ont fait lever les yeux au ciel, le luxe des lieux, des vêtements, m’a écoeurée, comme un plat trop sucré. Et par-dessus tout, le scénario plat comme l’électrocardiogramme d’un défunt m’a fait crier au scandale.
Les jolis plans de la capitale m’ont laissé de marbre, les belles gueules de ces mâles qui défilent m’ont fait lever les yeux au ciel, le luxe des lieux, des vêtements, m’a écoeurée, comme un plat trop sucré.
Une série inauthentique
La principale faille de ce scénario désespérément plat réside dans les rapports émotionnels et amoureux des personnages, complètement biaisés. Alors que la plupart des parisiens célibataires trentenaires arpentent désespérément les applications de rencontre à la recherche d’un partenaire, Emily les rencontre avec une facilité déconcertante, constamment entourée par une cour d’admirateurs canons et célibataires. Dans cette saison 4, les personnages semblent évoluer dans un microcosme dans lequel ils sortent les uns avec les autres et ne se côtoient qu’entre eux. À chaque événement mondain, qu’il s’agisse d’un lancement de produit ou d’une fête, ils se croisent et se jaugent, les rivaux se défient, les couples se déchirent, comme dans un western moderne. Leurs sentiments sont aussi peu profonds que le scénario et les mêmes histoires d’amour, recyclées à l’infini, agacent le spectateur : Emily qui oscille entre Gabriel et Alfie, comme dans la saison précédente, Alfie qui court après Emily et rivalise avec Gabriel, qui hésite entre Emily et Camille, Camille qui jalouse Emily et veut récupérer Gabriel. Les personnages passent d’une relation à l’autre, concrétisent un lien puis y mettent fin, comme on change de tenue dans une boutique. Les sentiments sont superficiels, et la série perd en puissance et en authenticité.
Mais cette facilité s’applique à tout le scénario. Dans Emily in Paris, tout semble possible. Les portes sont scellées à double tour ? Pas de panique, elles s’ouvriront grâce à un coup de fil magique à Carine Roitfeld, la papesse de la mode, ou au patron de la plus grande marque de luxe française LVMH déguisée en JVMA, ou simplement grâce à l’éclosion d’une « idée de génie » au moment opportun. Même quand la situation semble désespérée, une bonne fée passe par là. Emily rattrape le coup, sauve le monde. Les coïncidences sont grotesques, empruntant au genre du surnaturel, comme lorsqu’Emily tombe sur Alfie, son ex regretté, devant une place parisienne le soir de Noël, ou qu’elle recroise le bel italien canon, célibataire et disponible qui l’a sauvée sur une piste de ski à Megève ou lors d’un match de polo à Paris. Mais où sont les vraies galères, les échecs qui rendent les victoires savoureuses ? Est-ce que ce qui fait la force des personn...