François Xavier est poète. Un poète en France aujourd’hui ? Alors que le temps est plus à l’empressement qu’à la contemplation poétique ? François Xavier est là pour nous rappeler que la poésie a grandement participé à la culture française et à son rayonnement. Un poète qui avoue avoir la tête dans les étoiles, mais les mains dans la terre et qui justement nous livre une poésie élevée mais concrète. Pour Zone-critique et par amour des belles lettres, François Xavier a accepté un entretien pour nous éclairer sur son œuvre mais aussi pour nous livrer les visions phares d’un poète sur son temps et sa société.
La rentrée 2014 fut éclatante pour le poète : Le miroir de la déraison, un recueil sorti en juin 2014, illustré par les encres de la peintre Jacqueline Ricard et L’irréparable, dernier recueil sorti en septembre dernier.
La poésie est peu lue par le grand public et c’est bien dommage. Pourtant, les passionnés la consacrent encore par des prix. Le poète Xavier en a reçu le plus prestigieux : le prix Théophile Gautier de l’Académie française. Mais pour le poète, la bataille n’est pas encore gagnée. « Mon prix je l’ai appris par pur hasard dans le Figaro. C’est agréable à voir, mais le prix ne change pas la personne. Sur le CV ça fait bien.”.
Alors que représente la poésie pour le créateur ? Bien que le poète se réfère inconsciemment au poème du même Théophile Gautier “Art” qui célèbre la création poétique, il a sa propre idée sur la conception : « Les textes que j’écris sont en rapport avec une émotion devant une situation. J’écris beaucoup la nuit. Je suis très influencé par la pleine lune. Ensuite, je retravaille le texte. Un peu comme un compositeur qui se met devant un piano et qui cherche des sons. Ensuite je les polis, je les passe au papier de verre »
Souvenirs amoureux
La poésie devient concrète et accessible. C’est peut-être cela le début de la révolution poétique.
Dans son dernier recueil, l’irréparable, le poète chante, de sa lyre la plus douce, la femme aimée et perdue. Rien de plus qu’une « irréparable » rupture. Mais à l’inverse de la poésie désespérée, on assiste ici à un testament des souvenirs heureux.
Le vers est léger et libre.
Une fois sur le rivage érodé si perdure
Le sublime ballet de nos jambes en menuet
Créneau en couronne sous deux petits nuages
Les souvenirs amoureux se marient au cosmos méditerranéen déjà présent dans les autres recueils. Le chant n’est donc pas tragique, il est mélancolique.
L’écriture automatique sort de la plume d’un poète qui se donne totalement au lecteur. En effet, François Xavier l’interpelle par des questions ou par des vers incongrus. Les références mythologiques, littéraires sautent de vers en vers pour continuer de tisser le paradigme d’une poésie française riche.
Mais, on y décèle aussi la modernité du chant avec l’utilisation de name-dropping ; ainsi des objets comme l’iPad s’invitent dans les vers.
“Je veux etre dans le monde dans lequel on vit . J’interpelle les gens. Je m’adresse ou aux lecteurs ou à la personne précise. Ça réduit la distance que peut avoir le genre de poème très élitiste. Le lecteur est à coté, tend le bras, la poésie est là. Dans le domaine intime. Je tisse avec le lecteur une relation copain-copain.”
Dans son recueil, le poète adopte le « je » pour mieux exister et l’adresse au lecteur se confond avec celle à la femme « morte ».
Moi le narrateur je relate l’orchestre
De chambre qui n’existe que dans nos jeux
Scribe à genoux je chiffonne tes lunes
Ou encore :
Je suis en train de t’écrire ce poème
Les yeux balayés d’images contradictoires
Aller chercher la beauté
Le poète appelle à une révolution poétique. La poésie est là, partout et à la disposition de tous :
“La poésie, c’est savoir prendre trois secondes pour profiter du reflet du soleil à travers une vitrine. Le problème de la société actuelle c’est que les gens ne savent plus écouter. Il faut aller chercher la beauté. Vous ne pouvez pas être en quête de beauté si vous êtes hypnotisés par votre écran rétina.”
Le problème de la société actuelle c’est que les gens ne savent plus écouter. Il faut aller chercher la beauté.
Le poète refuse l’élitisme. Il perd sa place divine pour mieux se raccrocher à la réalité humaine :
“Je ne veux pas de posture haute. Je veux faire une poésie plus terre à terre. C’est peut-être grâce à mes racines paysannes. Si j’ai la tête dans les étoiles, j’ai quand même les pieds sur terre.”
Un poète proche de sa génération mais qui a tout de même un avis tranché sur la culture très « télé-réalité » d’aujourd’hui. Sans vraiment de saveur. Bien que le poète se batte pour faire revivre la beauté quotidienne, son souffle se tarit à la fin du dernier recueil. Un adieu aux armes qui prend forme dans la répétition de ce vers :
“Veiller puis faire silence… et espérer.”
Faire silence pour laisser ce dernier recueil perdurer, nous confie François Xavier. Mais il nous l’a promis : le prochain cri n’est pas bien loin.
- Là-bas trois fois, François Xavier, Jean-Pierre Huguet, février 2014
- Le miroir de la déraison, François Xavier, Encres de Jacqueline Ricard, Editions du Littéraire, juin 2014.
- L’irréparable, François Xavier, Jean-Pierre Huguet, septembre 2014
Marie Gicquel