Les femmes artistes furent à l’honneur cet hiver, après Niki de Saint-Phalle au Grand Palais, il ne vous reste plus qu’un mois pour admirer l’oeuvre de Sonia Delaunay au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris dans l’une des expositions les plus réussies de la saison.
Souvent assimilé à l’oeuvre de Robert Delaunay, le travail de Sonia fut rarement aussi bien mis en valeur que dans cette exposition, lui redonnant toutes ses lettres de noblesse indépendamment de son mari. Malgré un titre restrictif quant au réel contenu de la retrospective, celle-ci retrace de manière exhaustive le cheminement d’une femme-artiste totale vers l’abstraction.
Le Simultané
Si l’on veut résumer l’esprit de l’oeuvre de Sonia Delaunay en un seul mot, « simultané » serait adéquat. Choisi par Robert Delaunay en 1913, il est synonyme de l’esthétique nouvelle représentative de l’époque au delà de la peinture, « construction formelle totale esthétique de tous les métiers: ameublements, robes, livres, affiches, sculpture, …. ».
Bien que l’on doive la paternité de ce terme à Robert, c’est sa femme qui en est l’illustration parfaite. Artiste complète et dans son temps, elle ne se contente pas de laisser l’art sur une toile, au contraire elle le fait descendre des hautes sphères pour le transposer dans le quotidien.
En parfaite adéquation avec la philosophie régnant depuis la Belle Epoque puis l’Art Déco qui conçoit l’art comme total, elle réalise des affiches, couvertures de magazine et livres, des coffres à jouets ornés de ses décorations concentriques et colorées, du mobilier, des costumes de théâtre pour ses amis dadas et les ballets russes, ainsi que des vêtements et étoffes qu’elle met en scène dans l’appartement du couple du 19 Boulevard Beaumarchais recevant toute l’avant garde littéraire et artistique. Tissus eux mêmes réalisés selon les projets de Sonia en gouache ou dessins à l’encre exposés lors de la retrospective constitués de motifs en zig zag, escaliers, très géométriques, sont représentatifs de l’Art Déco et inspirés du cubisme.
Cependant, parallèlement aux modèles artisanaux confectionnés pour les Ballets Russes ou pour son entourage, Sonia garde à coeur la promotion d’un art pour tous
Cependant, parallèlement aux modèles artisanaux confectionnés pour les Ballets Russes ou pour son entourage, Sonia garde à coeur la promotion d’un art pour tous, un style qui synthétise le spirituel et le matériel, notamment avec un processus de fabrication où le créateur de tissu et le créateur de modèle ne font qu’un à l’image de l’artiste lui même.
Du figuratif à l’abstraction: une progression
Les commissaires de l’exposition ayant voulu résumer le travail de Sonia Delaunay en une phrase se sont contentés d’assembler les mots « couleur » et « abstraction ».
En effet, la conception Cezanienne et le fauvisme se caractérisant par une simplification des formes, les réduisant en de larges aplats de couleur violents, est la base du travail de Sonia, comme en témoignent les premières oeuvres exposées. La couleur est au centre de son oeuvre. Cependant, le fauvisme est une étape vers l’abstraction, il reste figuratif, à l’instar d’une partie du travail de l’artiste présenté dans la première moitié de l’exposition. Cela même s’inscrit parfaitement dans la logique chronologique des commissaires qui présente le glissement progressif de Sonia Delaunay de la figuration à l’abstraction : il est alors dommage que leur intitulé réduise le travail de Sonia à l’abstraction, laissant de côté l’évocation de sa période plus figurative.
Malgré ce titre réducteur, les scénographes et commissaires nous offre une retrospective de grande qualité, certaines salles rondes nous rappelant les formes circulaires omniprésentes mènent à un grand espace blanc livrant dignement, et avec émotion les oeuvres abstraites de Sonia qui n’ont besoin d’aucun autre cadre qui celui offert pour être appréciées.
- Exposition Sonia Delaunay, Les couleurs de l’abstraction, Musée d’art moderne de la ville de Paris, jusqu’au 22 février 2015.
Cassandre Morelle