
Dans un ambitieux ouvrage paru cette année au Seuil, l’universitaire Françoise Lavocat s’interroge sur les frontières entre fait et fiction. L’essayiste et chercheur Jean-François Vernay nous en propose ici une lecture.
Autant dire qu’il est en règle générale malaisé de déterminer avec acuité le produit de notre esprit : est-ce une représentation fidèle aux faits, à la réalité, ou a t-on affaire à une fiction subjective de notre cerveau ? C’est sans doute ce besoin naturel de fiction qui fait que les hommes se repaissent de « l’abondance des productions fictionnelles, au niveau planétaire, qui supplantent inexorablement le canon littéraire – p.534 », comme le dit si justement Françoise Lavocat dans Fait et Fiction : Pour une frontière. Cette prédisposition de notre cerveau qui sème allègrement la confusion pourrait aussi expliquer l’impérieuse nécessité de tracer une ligne de partage, une « frontière » pour reprendre le mot clef du sous-titre, entre la réalité et ses interprétations/ représentations.
Frontières de la fiction
Cette vertigineuse et ambitieuse somme d’érudition, tout à la fois pluridisciplinaire, diachronique (2) et de tradition littéraire internationale (3), entend s’atteler à un projet ciblé – en l’occurrence, consolider la position des « ségrégationnistes » (que l’on oppose aux « intégrationnistes », selon la terminologie de Thomas Pavel), à savoir « ceux qui insistent sur la différence entre fait et fiction – p.12»,comme le rappelle Françoise Lavocat dans son introduction : « Souscrivant à ce que l’on pourrait appeler un différentialisme modéré, nous montrerons l’existence et la nécessité cognitive, conceptuelle et politique des frontières de la fiction