Avec L’Incandescence (éditions des Instants, 2024), préface par Christian Bobin, Gérard Vincent offre un ouvrage composé d’un court récit, suivi de notes et de poèmes. Il tente, à travers son écriture, de se reconstruire, après un épisode de schizophrénie. Tout l’objet de son livre consiste à saisir la dimension métaphysique et mystique de cet évènement.
L’Incandescence s’est écrit autour d’une crise comme pour la circonscrire. Il y a d’abord « l’épreuve du feu » ou ce que Gérard Vincent nomme, au début de son livre la « plénitude de conscience » qui a débuté le 24 mars 1978, ébranlement mystique, pendant plus d’une semaine. Puis, évoqué sans être décrit, il y a l’enfer psychique de la fin mars jusqu’en novembre, sorte de trou dépressif où il a sombré. Enfin, à partir de novembre, la remontée à la vie spirituelle, qui représente aussi les mois d’écriture de l’ouvrage, où l’auteur revient sur ce qui a été diagnostiqué comme un trouble schizophrène. Un bouleversement psychique dont Gérard Vincent, de même qu’une araignée tire sa toile de sa substance, extrait son œuvre, sorte de court récit de quelques pages, suivi d’un journal de pensées et de lutte de l’être contre sa fracture. Ce recueil de propos sur l’art, la mystique, la religion, la folie, les paysages visités ou les auteurs lus, en des fragments plus ou moins développés, est entrecoupé de poèmes, avec toujours cette même volonté de parvenir à s’approprier sa blessure mentale par les mots.
La folie est-elle « un raté de la sainteté » ou cette déraison est-elle le signe d’autre chose ?
La folie est-elle une part de la révélation ?
L’origine du livre naît de l’ambivalence mystérieuse de la crise initiale :
« Dois-je mettre toute l’expérience de ces journées, je veux dire l’expérience intérieure ou “mystique“, sur le compte du délire et de lui seul, ou bien y a-t-il eu folie, à partir d’un seuil irréparable que j’aurais transgressé à mon insu ? Ou encore y a-t-il eu un cheminement psychique faisant basculer à un moment précis le désir en délire ? »
Autrement dit, la folie est-elle « un raté de la sainteté », ou cette déraison est-elle le signe d’autre chose ? Une vérité réelle pourrait-elle être isolée de cet événement, de sorte que les psychiatres se tromperaient en n’identifiant qu’un épisode unique qui serait celui d’une perte totale de sens. Peut-être, et c’est bien ce que l’auteur tente de creuser à travers ses considérations, qu’il y a bien eu une révélation ayant précédé, voire amené le délire et dont il lui faudrait « tirer la leçon ».
La schizophrénie comme mal du siècle
L’autre perspective serait de considérer la schizophrénie non comme un désordre individuel, mais comme une maladie de l’époque, si bien qu’aux yeux de Gérard Vincent, ce phénomène devrait être envisagé aussi « sous son aspect métaphysique (ou métapsychique) ». Car « le schizophrène n’est pas seulement un dissocié psychique, c’est aussi un écartelé dans sa chair de vivant. Déchiré entre ses aspirations, ses désirs, son visage intérieur et ce monde terriblement réducteur dans lequel la société de ce temps veut le fondre ».
L’origine de ce mal se logerait ainsi dans le monde technique, de pure rationalité, qui est le nôtre, causant, je l’interprète de cette manière, un étouffement ...