Après Le Journal de Tûoa, paru en 2022 et co-écrit avec sa compagne Maureen Fazendeiro durant le covid, Miguel Gomes revient avec Grand Tour, unvoyage burlesque de deux britanniques à travers l’Asie. Mêlant dans un grand tourbillon images documentaires et reproduction en studio, Grand Tour s’affirme comme un des films les plus éblouissants et les plus singuliers de l’année.
N’ayez pas peur ! Montez sur le manège ! Dans Grand Tour, le réalisateur lisboète Miguel Gomes fait grimper le spectateur sur un carrousel qui promet à celui qui s’y risque son lot de sensations. Le guide de cette aventure est Edward (Gonçalo Waddington) un jeune homme aristocrate anglais qui fuit avec détermination sa fiancée Molly (la pétillante Crista Alfaiate). Rien ne l’arrête : la Birmanie, la Thaïlande, le Vietnam, les Philippines, le Japon et la Chine défilent sous son pas pressé. Derrière lui, Molly tente coûte que coûte de le rejoindre. Entre ceux qui ne s’aiment plus, il y a des kilomètres et des années-lumière. Alors que le titre, Grand Tour, évoque le rite de passage pour les jeunes britanniques avant le mariage, il renvoie ici à un long processus de démariage entre deux êtres.
À l’image de ses deux protagonistes qui ne parviennent pas à se rencontrer, Miguel Gomes subdivise son film : la première heure est consacrée à la fuite d’Edward, la seconde à la détermination de Molly. S’il y a rencontre, c’est donc moins entre les personnages qu’entre les images. À des plans tournés en studio à Rome ou Lisbonne, qui reproduisent avec minutie le décor colonial et décadent des années 1920, Miguel Gomes adjoint en effet des images documentaires, tournées lors de son propre voyage en Asie en 2020, soulignant ainsi la dimension artificielle de toute reproduction historique et de tout voyage.
À l’ombre d’un Sans Soleil de Chris Marker (1980), l’architecture de Grand Tour s’articule autour d’une voix-off qui structure et infléchit le sens de ces images tantôt documentaires, tantôt fictionnelles. Le visage d’Edward s’efface et le vrai voyage, celui du spectateur, commen...