Gravity du réalisateur mexicain Alfonso Cuarón : loin des blockbusters américains bruyants et survitaminés, une ode à l’intimité et à l’empathie.
A tous les amateurs de science-fiction, Gravity n’est pas votre film. Oui, il a comme toile de fond la terre et l’univers, oui, l’intrigue concerne des astronautes piégés dans l’espace, oui, il y a des appareils innommables, oui, certains dialogues sont jargonnant… Oui mais Gravity c’est avant tout du réalisme. Réalisme des images et des émotions que la 3D et son pouvoir d’immersion servent indéniablement. Sans tomber dans la facilité et l’excès, Alfonso Cuarón parvient à faire de la Terre un paysage réaliste en ce qu’elle réussit à se faire oublier. Les images, bien que spectaculaires, trouvent une place juste dans le scénario et ne cherchent pas à focaliser l’attention du spectateur. En d’autres termes, on est loin de l’utilisation parfois abusive d’images facilement impressionnantes qu’on pourrait reprocher à Terrence Malick (The Tree of life) ; la poésie naissant même à des moments inattendus tels que celui où Sandra Bullock, dans des postures de danseuse, prend peu à peu la forme d’un fœtus.
Immersion dans l’intimité de l’infini.
Si Gravity se distingue pour son réalisme, c’est tout d’abord parce qu’il nous plonge au cœur d’émotions bien humaines que sont l’angoisse et la solitude. L’une des grandes réussites d’ Alfonso Cuarón est l’intimité qu’il crée entre le spectateur et le personnage. Si l’identification au personnage n’est a priori pas évidente – puisqu’elle est astronaute et qu’elle évolue dans un « monde » que le commun des mortels ne connaîtra jamais – l’angoisse que l’on ressent est bien la sienne. Certes nous pouvons reprocher le scénario un peu trop stéréotypé et classique, l’intrigue est quasiment nulle d’ailleurs : Ryan manque d’oxygène mais nous savons que ça ne causera pas sa fin, la première station que Ryan parvient à rejoindre explose mais nous savons qu’elle trouvera une solution, le Soyouz qu’elle réussit enfin à aborder n’a plus de carburant… Mais c’est sûr, elle survivra ! Pourtant, le spectateur se retrouve piégé dans cet infini, angoissé par ces dérives. Plus encore, chaque fois que Ryan parvient à se poser (au sens littéral du terme), un soulagement physique se ressent. Mains crispées, cœur palpitant et vertige s’invitent dans la salle ; le scénario susceptible d’être jugé comme trop commercial et classique ne tuant ni le suspens ni l’empathie. Au contraire même, son rythme effréné participe toujours un peu plus à ce sentiment d’angoisse et d’emprisonnement.
« L’Amérique du Nord entière privée de Facebook »
Matthieu, interprété par Georges Clooney, ne s’y trompe pas : Gravity est une ode à la solitude. Dès la trentième minute du film, tout contact est rompu avec la Terre, nous nous retrouvons seuls, au milieu de l’espace. Mais ce sentiment de solitude se fait surtout sentir à la fin du film … Les lumières se rallument dans la salle et on se souvient soudain qu’elle était pleine. Au moment du traditionnel « débrief » avec la personne qui nous a accompagné, on se rend compte que rien n’a été échangé pendant le film, pendant l’action, qu’on a même jamais tourné la tête pour observer sa réaction, encore moins tendu le bras pour échanger du pop-corn. La solitude de Ryan se traduit donc en une expérience solitaire de ce film. La 3D, le son Atmos mais également la perspective inhabituelle (la caméra prend parfois la place des yeux de Ryan) choisis par Alfonso Cuarón nous érigent en personnage à part entière. C’est certainement ce qui explique le jeu épuré et simple qui ne déplaît ni n’impressionne de Sandra Bullock et de Georges Clooney (on pourrait du coup s’interroger sur la nécessité d’un tel casting… !).
La réalisation ambitieuse d’Alfonso Cuarón assure la réussite de Gravity
La réalisation ambitieuse d’Alfonso Cuarón assure la réussite de Gravity. Loin des blockbusters américains bruyants et survitaminés, le film est une ode à l’intimité et à l’empathie. Mais sans la 3D et son pouvoir d’immersion que deviendra ce scénario ? Au classicisme de ce scénario, la poésie des images survivra-t-elle ? Le pari est tout de même brillamment relevé car pendant ces dérives incessantes des personnages il y a bien une chose dont nous ressentons le besoin : la gravité.
- Un film de Alfonso Cuarón avec Sandra Bullock, George Clooney (2013).