Quelles sont les différentes facettes de l’œuvre de Kawabata, cet esthète japonais pour qui la réalité n’était qu’ennui et qui ne considérait comme idéal, qu’un monde traversé par une constante mélancolie et ayant pour base, une définition assez pervertie de la beauté ?
« Un roman doit-il être forcément une jolie chose ? » – Tristesse et Beauté.
Kawabata Yasunari, écrivain japonais majeur du XXᵉ siècle, a tenté, à travers toute son œuvre, de nous arracher à la commune image de la « Beauté » en nous opposant la « Laideur » comme perspective. Usant d’une plume continuellement tournée vers l’onirique et le non-réel, il a su, à sa manière, constituer un certain système de l’ambiguïté où chaque chose voit son sens exploré, et est comme drapée dans le pli d’une autre.
Parmi ces choses, il prostitue la mort. Orphelin à 3 ans, il la côtoie depuis son plus jeune âge et la fait maîtresse de ses mots. Si l’on se penche sur sa nouvelle : « La beauté tôt vouée à se défaire » ou encore sur « Le Visage de la morte » dans son recueil : Récits de la paume de la main, on est frappés par ce puissant sentiment de vie que recèle la mort, et du fait que les deux se confondent chez Kawabata.
Sa plume contemplative à la narration simple mais parfois elliptique est émaillée de silences et de non-dits. Flou des personnages, greffés d’un dysfonctionnement communicatif et flottant éternellement dans un cercle de non-rapport, flou des sens également, avec des situations limites jamais assez explicitées mais qui déborde d’une sensualité maladive : « le plaisir et la gêne, ces deux sentiments ne s’excluent pas, bien au contraire. »
Seconde chose qu’il prostitue : le désir, dont il distille la vérité de surface. C’est qu’il le dit « n’exigeant pas la totalité » et pouvant porter sur une seule partie d’un corps, car étant le même en tout point confondu de ce dernier. Ce concept est largement développé dans sa nouvelle « Le bras », où il est question d’un bras arraché et offert pour une nuit, une nuit dans laquelle il se mouvra avec autant de féminité que le corps dont il dérive : « Le bras de la fille s’exprimait comme une femme », comme le ferait sa bouche, son cou, ou n’importe quelle autre partie d’elle.
Une question de clair-obscur…
Le blanc, couleur omniprésente dans l’œuvre de Kawabata et reflétant son obsession de la pureté, est presque toujours incarné par des personnages féminins à peine sortis de l’enfance, aux corps jeunes, et maintenus ainsi par les pratiques de bains et de soins incessants. Le noir est tout aussi présent, la souillure est là, et majoritairement ce sont les personnages masculins qui l’endossent : un mélange d’impuissance affective avec des tares psychologiques et des imperfections, voire de réelles malformations physiques. C’est le cas de Gimpei, dans « Le Lac », cet homme aux pieds malformés qui suit de belles jeunes filles. Ce qui est intéressant à souligner est le fait que ses pieds hideux et monstrueux ont été son chemin menant vers la beauté : « C’étaient bien ses pieds après tout, qui se lançaient à la pour...