La mémoire éternelle a la beauté de l’ambre ornementale. La cinéaste Maite Alberdi a recueilli cinq ans de la vie d’une figure de la télévision contestataire chilienne, Augusto Góngora, atteint d’Alzheimer. Dans un geste qui confine à l’écriture d’un tombeau poétique, elle fait de nous les témoins de l’amour inconditionnel qui lie Arturo à sa femme, Paulina.

La mémoire éternelle

Augusto Góngora rit aux plaisanteries de son épouse comme un petit polisson. Ces deux-là ne se laissent pas gagner par la mélancolie que pourrait susciter le lent déclin causé par une maladie qu’il a contractée huit ans auparavant. Ce sont cinq ans de la vie d’un couple que nous observerons, à l’intérieur même de leur routine précaire tandis que les crises de démence se font de plus en plus fréquentes. Leurs moyens de lutte contre l’oubli peuvent paraître dérisoires. Paulina raconte à Arturo les moments saillants de leur histoire commune en convoquant le souvenir d’impressions visuelles, auditives et olfactives des événements comme leur première rencontre – qui a cuisiné ce soir-là ? Où avons-nous dîné, t’en souviens-tu ? Elle lui tend même parfois des pièges, fabrique de faux souvenirs pour amener son époux à retrouver, par ses propres moyens, la vérité d’une émotion dont son corps a peut-être gardé la trace. C’est l’une des idées centrales de ce film : la mémoire ne saurait être réduite à un capital symbolique qu’il faudrait reconstituer théoriquement, selon une logique rationnelle qui permettrait de se prémunir contre les dangers de la falsification. Recouvrer la mémoire nécessite d’acco...