Jusqu’au 20 mars 2016, le Palais Galliera expose la garde-robe de la Comtesse de Greffulhe sous le titre « La Mode retrouvée ». Référence explicite à la recherche du temps perdu de Proust, elle lui insuffla l’esprit de sa Duchesse de Guermantes ; mais ce clin d’oeil n’est qu’un mince aperçu de l’influence que pouvait avoir cette Comtesse presque centenaire sur la société, de la fin du 19ème siècle jusqu’au milieu du 20ème.
Bien plus qu’une garde robe, le Palais Galliera nous offre une entrevue avec les apparats de la femme la plus admirée de Paris de 1880 à 1950 pour sa beauté mais aussi son esprit. Les robes Belle Epoque côtoient celles des Années Folles comme témoignage d’une longue vie passée non pas à être en accord avec son temps mais à influencer la société. Elle faisait siennes les modes, les adaptant à ses goûts et se présentant ainsi fardée à tout le milieu intellectuel qui lui était contemporain.
La réduire à celle qui inspira Proust pour Mme de Guermantes déplairait certainement à Mme de Greffulhe qui la trouvait stupide : l’esprit obtus de la Duchesse est bien éloigné de celui de la Comtesse qui aimait s’entourer de musiciens, d’artistes, de danseurs, de chorégraphes mais aussi d’hommes politiques. Un salon éclectique et exhaustif à l’image de sa garde robe: échantillon de l’évolution de la mode, échantillon de la gent intellectuelle. Fauré, Debussy, Isadora Duncan, Serge Diaghilev, Paul Deschanel et bien d’autres ont fait partie de ce gotha entourant la Greffulhe.
Sa garde-robe participait pleinement à la relation à double sens qu’elle entretenait avec son entourage. D’un côté elle aide les artistes à émerger, de l’autre elle suscite leur admiration avec une beauté exacerbée par ses tenues. Elle devient alors une source d’inspiration sans fin. Comment ne pas prendre pour modèle une femme aussi artiste que ses Pygmalions, mettant en scène le moindre de ses mouvements, la moindre de ses apparitions, entretenant le mystère tout en cherchant à se faire remarquer.
” Je n’ai jamais vu une femme aussi belle “
Nombreux écrivains, son oncle le premier, témoignent par leurs lettres ou leurs romans de la fascination qu’elle exerçait. Proust disait à son sujet dans une lettre adressée à l’oncle de la Comtesse, Robert de Montesquiou: « Elle est difficile à juger, sans doute parce que juger c’est comparer, et qu’aucun élément n’entre en elle qu’on ait pu voir chez aucune autre ni même nulle part ailleurs. Mais tout le mystère de sa beauté est dans l’éclat, dans l’engame surtout de ses yeux. Je n’ai jamais vu une femme aussi belle ».
Elle n’a pas vraiment suivi la mode, elle la créait. Il en allait de même pour ceux dont elle s’entourait. Elle a fait émerger bon nombre d’artistes méconnus et a été mécène de nombreuses institutions, passant de l’art à la science. La Comtesse déployait ses talents entre sa Société des grandes auditions musicales de France, qui avait pour ambition de faire jouer dans leur intégralité les oeuvres oubliées des compositeurs anciens ainsi que le patronage de jeunes artistes contemporains, et la Fondation Curie à laquelle elle participa financièrement.
Cette exposition de grande qualité passe cependant sous silence la relation malheureuse qu’elle a pu entretenir avec son mari.
Cette exposition de grande qualité passe cependant sous silence la relation malheureuse qu’elle a pu entretenir avec son mari. Derrière cette femme forte et cultivée se cache en réalité un besoin d’échapper au frasques de son époux. Tout cela a sans doute conditionné ses velléités de coquetterie, et un entourage d’une « society » aussi emblématique, à travers laquelle elle chercha sa liberté pour échapper à un mariage arrangé.
- La Mode retrouvée, Les robes trésors de la comtesse Greffulhe, jusqu’au 20 mars 2016 au Palais Galliera