Jusqu’au 3 août , la Cinémathèque nous livre une exposition-introspection sur son fondateur de génie Henri Langlois. A l’occasion de son centenaire, l’institution a rendu un hommage en bonne et due forme à celui qui a non seulement révolutionné la programmation du cinéma mais aussi souligné le rapport sous jacent de celui ci avec l’art. Il peut paraître étonnant de vous parler ici de cinéma. Cependant nos deux domaines ne sont pas si étrangers et l’exposition Henri Langlois est la parfaite occasion de le prouver.
Art cinématographique e(s)t (un) Art
Le choix de ce titre « Le Musée Imaginaire d’Henri Langlois » annonce tout de suite la thématique de l’exposition: montrer à quel point la relation d’Henri Langlois à l’art a pu influencer son rapport au cinéma.
Henri Langlois était tout aussi proche des cinéastes que des artistes, les peintres notamment, et tel un Duchamp avec ses ready-made, il a cherché à nous prouver que le cinéma au même titre qu’une roue de vélo doit être considéré comme un art.
Au delà même de la réaffirmation du cinéma comme art, il voulait les mêler, filmant les artistes en travail, ou encore en demandant à certains de contribuer à l’oeuvre de la Cinémathèque, notamment Vasarely et son logo pour le Musée du Cinéma mais aussi en dessinant lui même les plans de sa Cinémathèque Française relevant pour certains d’entre eux des motifs décoratifs orientaux.
La programmation elle même est un l’art, par sa singularité de démarche et son contenu. Ce dernier est riche en diversité, présentant les grands classiques du cinéma passés comme des chefs-d’oeuvre mais n’hésitant pas à leur faire côtoyer des films d’expérimentation d’Andy Warhol ou encore de Philippe Garrel qui privilégie l’esthétique à la narration (tout comme l’estimait Henri Langlois).
Concernant la démarche, celle ci est bien différente de celle de tous les autres cinéma-clubs se bornant à présenter des films puis organiser des débats mais dénués de lien : la Cinémathèque ne propose pas forcément de débat mais une programmation mûrement réfléchie et confectionnée à l’image d’une robe haute couture de fils enchevêtrés reliant les films non pas par leur thème mais par leur poésie, leur cinétique, leur photographie. Une programmation soignée, presque pédagogique qui inspira ceux qui font le cinéma en le visionnant.
Une institution singulière phalanstère d’une Nouvelle Vague
Henri Langlois n’étant pas seulement un passionné d’art, il inspirait les artistes cinéastes, les nourrissait et les exposait.
Avec Godard, Truffaut et la future clique de la naissante Nouvelle Vague comme spectateurs assidus, la Cinémathèque va devenir le foyer de cinéastes en devenir. Ceux ci n’ayant aucune expérience, ou presque, se nourrissaient des choix d’Henri Langlois pour s’imprégner des codes dans l’optique de les réinterpréter et s’en écarter dans leurs propres oeuvres. Ces dernières faisant plus tard partie de la programmation de l’instigateur. Langlois ne se contenta pas de fournir des sources d’inspiration pour les cinéastes contemporains, il les transforma en véritable critique, ces mêmes artistes, étant également rédacteurs dans la très célèbre revue Les Cahiers du Cinéma. Un tel personnage ne pouvait être que dignement célébré et la Cinémathèque Française nous livre une rétrospective dans les règles de l’art.
Cassandre Morelle