L’académicien Jean-Christophe Rufin, dans son roman Le collier rouge, qui paraît en poche, peint le portrait d’un soldat de la Première Guerre mondiale, et de son chien, remarquable de fidélité.
« Ce n’est pas un chien banal. » Baptisé Guillaume, en clin d’oeil à l’empereur Guillaume II qui dirigea l’Allemagne durant la Première Guerre mondiale, l’animal marron à poil courts ne cesse d’aboyer devant la prison où est enfermé son maître, Jacques Morlac. Ce dernier est un héros de la Grande Guerre, ancien membre de l’armée d’Orient, décoré de la Légion d’honneur, pour ses exploits sur le front grec, lors de la bataille des Dardanelles. Mais après la guerre, il est emprisonné dans une cellule d’un petit village du Berry, pour avoir déshonoré la Nation. Il risque une lourde peine.
Le juge militaire Lantier est chargé de son dossier. L’histoire du personnage de Morlac l’intrigue. Comment sa vie a-t-elle basculé ? Au fil des discussions avec le prévenu, entre quatre murs, Morlac raconte son parcours à Lantier. Le costume du juge militaire laisse place à celui de l’homme. Il commence à comprendre Morlac, et les causes de son rejet de la patrie. Comprendre mais sans l’excuser. Il ne s’agit pas d’éclairer la société de l’époque sur l’innocence d’un homme incompris. Le sujet est plus complexe qu’il n’y paraît.
Le moteur de la fidélité
Ce roman est un livre sur la fidélité et sur les erreurs qu’elle peut faire commettre. La fidélité, une qualité incarnée par Guillaume, le chien. L’animal a suivi Morlac, enrôlé de force parmi les Poilus, jusque sur les champs de bataille. Sa fidélité l’a poussé à Salonique avec les soldats étrangers de l’armée d’Orient. Son pelage a essuyé des éclats d’obus. Son crâne est revenu du front tout cabossé. Le chien use de toute son énergie pour faire libérer son maître et n’arrêtera d’aboyer avant que justice soit rendue.
La fidélité conduit à réaliser les actes les plus remarquables comme lorsque le pointer (un chien de chasse) du juge Lantier, quand il était enfant, avait sauvé toute sa famille en attaquant des cambrioleurs.
Mais ce sentiment est aussi à l’origine des horreurs de la guerre, dont Morlac a pris conscience, en observant le front, et en lisant Marx, Proudhon et Kropotkine pendant ses permissions. C’est au nom de la fidélité à la patrie que des hommes tuent d’autres hommes. La fidélité aux plus beaux idéaux peut conduire au meurtre, ce que Morlac, partisan de la révolution communiste, et défenseur de la révolution sanglante de 1917 en Russie, n’a pas totalement compris.
Style académique
Le Collier rouge n’est pas le roman de l’innovation formelle mais a le mérite de s’énoncer clairement
Jean-Christophe Rufin sait raconter les histoires. Les dialogues sont entrecoupés de récits pour offrir une respiration imaginaire au lecteur. Le roman prend la forme de l’enqu ête que mène le juge dans le passé et le présent du prisonnier. Une dose d’amour et d’orgueil agrémente le tout pour satisfaire le public.
L’académicien écrit dans un style simple. Des phrases courtes qui visent juste. Le texte n’est pas là pour déstabiliser le lecteur mais pour l’éclairer. On trouve sans doute une définition de ce style lorsque le narrateur expose une métaphore de l’idée. « Un couloir de lumière qui met de l’ordre dans les choses et permet de voir loin. » Le Collier rouge n’est pas le roman de l’innovation formelle mais a le mérite de s’énoncer clairement.
- Le collier rouge, Jean-Christophe Rufin, Folio, 176 pages, 6,40 €, avril 2015
Alexandre Poussart