Maud Ventura a connu un succès international avec son premier roman, Mon Mari. Attaquons-nous à son deuxième, Célèbre ! L’héroïne, Cléo, a toujours voulu être célèbre et y est parvenue, mais à quel prix ? Au prix d’un récit qui se dévore avec plaisir, mais qui n’assume pas totalement la monstruosité de son personnage et qui accompagne son cheminement de mille précautions pour ménager les lecteurs.
L’été 2024 a connu le succès éclair de Chappell Roan, une chanteuse qui après 10 ans de galère, s’est révelée à l’Amérique grâce à son album The Rise and Fall of a Midwest Princess. Mais après un malencontreux TikTok où elle demande à ses nouveaux fans d’arrêter de l’emmerder dans la rue, sa popularité se retourne contre elle. « Je n’accepte pas qu’on me touche et qu’on me suive. » Si beaucoup de fans ont eu de la compassion au regard de cette situation infernale d’une femme qui a perdu tout droit à une vie privée, d’autres s’insurgent. Un tweet adressé à la chanteuse résume cela avec une concision déconcertante : « Ferme-la, tu es une célébrité maintenant. Tu nous appartiens. » Puisqu’elle a voulu la célébrité, elle a donc mérité tout ce qui lui arrive.
Maud Ventura s’empare de cette réalité, la monstruosité de la célébrité, dans son deuxième roman, où l’on suit Cléo, une femme qui n’a eu qu’un seul but dans la vie : devenir célèbre. De ses années de formation à son accession à la gloire, on saura tout, les égoïsmes, les manipulations, les absurdités.
On retrouve quelque chose de Scorcese dans ce livre, un héros antipathique mais attachant qui nous raconte face caméra sa gloire et sa chute tout en révélant les secrets d’un milieu vicié. Mais la comparaison s’arrête là : la narration beaucoup trop présente limite la puissance d’évocation et l’intensité des scènes de stupres et de fornications. Cléo maintient une distance vis-à-vis d’elle-même qui empêche le lecteur de la voir véritablement déraper. Certes, le livre est un véritable « page-turner » palpitant, qui se lit rapidement. Mais ce récit aurait mérité d’être plus nerveux et plus visuel. On a cette impression de lire une longue dissertation au présent de vérité générale sur la célébrité, car chaque scène est précédée et suivie d’une explication à froid de la part de Cléo. Cela crée une alternance perturbante chez le personnage entre des moments de lucidité et de sagesse, et des scènes ultra-violentes. On a du mal à cerner qui est vraiment la jeune femme dans cette dualité. Oui, on pourrait imaginer un personnage aux multiples personnalités, une intériorité calculatrice alliée à une extériorité monstrueuse. Mais après quelques centaines de pages, il en ressort que c’est l’autrice elle-même qui, sous couvert de donner une voix intérieure à son héroïne, nous prend par la main pour bien nous donner toutes les clés de lecture afin de décrypter les comportements perturbants de son héroïne.
Un roman plus resserré, quitte à rendre l’héroïne complétement monstrueuse, permettrait de mettre davantage en valeur certaines scènes qui sont de véritables morceaux de bravoure, comme la description des fans par Cléo : « Est-ce que j’ai déjà expliqué à quel point j’étais déçue par mes fans ? Même dans une ville aussi riche et sophistiquée que Milan, ils sont mal habillés et ils ont les dents jaunes. Toutes les stars hollywoodiennes vous diront la même chose : les fans font rarement partie du haut du panier. Et puis, qu’est-ce que vous foutez à 15 heures un mercredi devant mon hôtel ? Vous n’avez rien d’autre à faire ? Vous ne travaillez pas ? je suis sûre qu’ils sont venus en métro et qu’ils en se sont pas lavé les mains. »
Ventura prend des pincettes et s’excuse de créer un personnage si détestable en l’entourant de précautions littéraires. Non seulement avec de longs passages explicatifs, mais aussi grâce à la création d’un person...