Puisque l’été s’installe en Australie, le corps s’expose à la New South Wales Art Gallery du 05 novembre au 05 février 2017. Cette magnifique exposition de peinture et sculpture en provenance de la Tate Gallery (Londres) retrace plus de deux siècles de nudité inspirée.
La tradition victorienne du nu glorieux, d’une confiance ostentatoire, s’incarne dans l’exaltation des canons de la beauté corporelle, où l’anatomie devient objet d’étude et vecteur d’une moralisation du soi avec des tableaux bibliques (voir La Tentation de William Strong) et des allégorisations d’un corps qui ne cesse d’être mis en scène dans des contextes insolites (Cf. Le Chevalier errant de Sir John Everett Millais).
Renverser les conventions picturales
Le 20ème siècle associera le nu à la sphère privée : le spectateur se fait voyeur à son corps défendant comme dans Le bain de Pierre Bonnard, où l’artiste, grâce à un cadrage singulier, cherche à décentrer le sujet traditionnellement placé au cœur de la composition pour forcer l’entrée du spectateur dans son intimité. L’intensité psychologique se traduit par un regard, une gestualité, sinon une attitude, à l’image de La fille nue de Gwen John. Chez d’autres, comme chez Henri Matisse, le nu devient plus affaire d’atmosphère que de composition (voir Femme nue drapée). Ce que le nu moderne chercha à faire, c’était renverser les conventions picturales : il ne s’agissait plus tant de révéler ce qui est caché que de cacher ce qui est révélé.
Voulant faire du corps une abstraction, certains artistes s’évertuèrent à redéfinir son volume (Alberto Giacometti, Femme qui marche), sa structure (Pablo Picasso, Femme nue assise), son articulation (Henry Moore, La chute du guerrier) et sa motricité (David Bomberg, Le bain de boue). Progressivement, et sous l’impulsion du mouvement surréaliste, le corps s’érotise avec des peintres comme Giorgio de Chirico, Max Ernst, Ithell Colquhoun et Paul Delvaux, jusqu’au point où la peinture finira par se faire chair avec des artistes comme De Kooning.
Clou de l’exposition, une envolée romantique avec Le baiser d’Auguste Rodin, l’une des trois oeuvres sulfureuses du maître, qui représente un couple adultérin issu de l’imagination de l’Enfer de Dante
Clou de l’exposition, une envolée romantique avec Le baiser d’Auguste Rodin, l’une des trois oeuvres sulfureuses du maître, qui représente un couple adultérin issu de l’imagination de l’Enfer de Dante. Avec l’avènement de l’ère postmoderne et la vague féministe, le corps se politise et se retrouve mis à nu, sa vulnérabilité offerte aux badauds. Il sonne le glas de la finitude de l’homme, victime de cette déchéance qui annonce cette incontournable échéance. Manifestation du temps qui passe, le corps faillible voudrait ne jamais cesser d’être un objet d’admiration. Aussi, l’art cède-t-il à son caprice en s’acquittant de cette tâche ardue par la valorisation des perceptions multiples d’une réalité qui, pour mieux être acceptée, devra être fantasmée.