Une dictatrice allergique à l’immigration, climato-sceptique et abonnée aux prises de paroles chocs dans les médias, en pleine Europe qui vacille… Cela vous dit quelque chose ? Pour son nouveau roman, très bref (145 pages), Hélène Frappat imagine un double fictionnel à la dirigeante italienne Gorgia Meloni, à peine exagéré, l’intraitable « Nerona », dans des situations aussi consternantes que désopilantes : la tonalité parfaite pour rire jaune face à notre monde chaotique.

Nerona n’est pas un roman comme les autres. Il se compose d’une succession de petites scènes, toutes incisives et hilarantes, aussi variées les unes que les autres. Depuis les confessions, en direct, de la dictatrice devant le monde entier sur « Vox News », dialogue entre deux conseillers paniqués qui ne savent que faire d’un programme sans queue ni tête, jusqu’aux tranches de vie en famille – mini-patrie où Nerona tient aussi la place du tyran –, le tout bascule, à la moitié du roman, en une cocasse pièce de théâtre de l’absurde. Romancière prolifique, toujours en lice pour de multiples prix littéraires, Hélène Frappat n’est pas une débutante. Entre traductions émérites, critiques dans les Cahiers du cinéma et essai ultra-pertinent sur le gaslighting, on lui fait confiance pour proposer un regard éclairé sur les dérives totalitaires de nos démocraties.
Une énième parodie « trumpesque » ?
Si les dystopies caricaturant les Donald Trump et autres Elon Musk se multiplient (c’est très facile à faire, ils sont des satires à eux tout seuls), Nerona se démarque par son humour mordant et une véritable acuité. Les liens entre l’enfance de la despote et ce qu’elle est devenue sont tellement évidents qu’ils n’ont pour vocation que de faire rire, nous épargnant toute interprétation psychanalytique de comptoir. Petite fille terrible, elle a volontairement incendié sa maison, et en a tiré une fierté qui inspirera son nom de « scène », directement tiré de Néron (sanguinaire empereur romain et pyromane notoire), celui de son parti FEU (Force Energie Union) ainsi que la flamme tricolore de son drapeau.
Autre moyen de renouveler le genre : faire honneur à l’art sous toutes ses formes. L’écrivaine normalienne choisit un fil narratif issu de sa passion pour le cinéma. Alors que l’intransigeante Nerona finance les studios Artifex (sorte d’Hollywood dans ses années propagandistes les plus marquées), elle prête à peine attention au tournage du film le Pont de la Vérité, persuadée qu’il est en parfaite adéquation avec le pont réel qu’elle construit dans la vraie vie, uniquement dans le but d’expulser les étran...