Crédit photo : © Jérôme Panconi
Déployant en permanence son exégèse iconoclaste à grands renforts de pop culture, de gnose, mais ne cédant rien à la révolte contre le quadrillage du monde, Pacôme Thiellement continue sa quête de l’émancipation en cherchant à pleines mains dans la substance des films qui l’obsèdent comme Out.1 de Jacques Rivette, La Règle du Jeu de Jean Renoir.
Un an après la sortie d’Infernet, qui rassemblait les extraordinaires chroniques pour Blast de la série du même nom sur le cauchemar que tend à devenir le monde numérique, on retrouve un Pacôme Thiellement ici entièrement dévoué au cinéma de Jacques Rivette. Il a déjà écrit à de nombreuses reprises sur Out. 1, Céline et Julie vont en bâteau, mais entre-temps, les héroïnes ont surgi par effraction dans l’actualité grâce au superbe discours de Judith Godrèche à la cérémonie des Césars de 2024. Tout commence avec une sombre histoire de complot. On ne sait pas trop au début où Pacôme nous mène avec cette comparaison bizarre entre les complotistes et les obsédés du complotisme prompts à disqualifier toute critique par ce mot magique. Puis débarque la société secrète des Treize de Balzac qui s’avèrent être de sacrés tocards dans leurs apparitions au début de la Comédie Humaine. On parle de capitalisme, de ces élites méprisables qui nous gouvernent, puis de folie. Puis arrive enfin le cinéma de Rivette, qui ne nous lâchera pas. Et comme on a affaire à Pacôme Thiellement, l’exégète de David Lynch, qui arrive à mettre en lumière une chanson des Beatles avec Philip K. Dick, fait se rencontrer Hara-Kiri, Franck Zappa ou Alfred Jarry en passant par les textes gnostiques de la Bibliothèque de Nag Hammadi, ça donne vite le tournis. Cet essai conclut un cycle d’essais entre pensée politique et exégèse, entamé avec la Victoire des Sans Roi, très belle introduction aux fameux gnostiques, émancipateur et émouvant. L’enquête infinie densifiait le dialogue avec André Breton, les freaks de Todd Browning, Edgar Allan Poe ou bien la figure du sphinx et celle du détective. Le secret de la société est son essai le plus ramassé, ce qui ne veut pas dire qu’il nous épargne ses circonvolutions et ses désormais légendaires virages à 90° vers telle ou telle obsession. Le secret de la société se mérite, l’auteur y met de l’amour, donc on doit le suivre avec amour contre l’impuissance politique, la tentation du désespoir, ou la posture cynique.
A kind of magic
Ce secret, on ne va pas vous le dévoiler car il se mérite, et qu’il est trop beau pour être révélé comme ça. Il apparaît, à la toute fin, dans une épiphanie à la boulangerie, après avoir gambergé sur tous ces films. Et il en faut de l’abnégation, tant les films de Rivette sont pleins d’énigmes, de détails bizarres, de contradictions, de répliques sibyllines mais aussi de mondes possibles. On traverse Paris dans tous les sens, comme dans le Pont du Nord. On croise des actrices qui hantent Pacôme Thiellement (Hermine Karageuzh, Bulle Ogier, Juliet Berto, Nathalie Richard…), d’autres figures comme celles, flamboyante, de l’actrice Colette Thomas, de la philosophe Simone Weil… Honoré de Balzac reste tout le long à nous scruter, Lewis Caroll vient passer une tête, le temps que l’on reconnaisse le Snark qui devient alors le Boojum. Le « Tout le monde a ses...