Au début de l’année 2024, paraissait Neuf mois, un roman autobiographique écrit par Philippe Garnier, critique, journaliste et auteur. Ce livre retrace le dernier mois de vie de sa femme décédée neuf mois après avoir été diagnostiquée d’un cancer. Toutefois, cet ouvrage n’est pas une simple description de la fin de vie, il interroge aussi la manière dont on vit la mort de sa moitié. Comment s’occuper d’elle sans se perdre ? Comment continuer à vivre après cette fin inéluctable ?

Neuf mois, Philippe Garnier

« J’écris ce livre non pour me faire pardonner, ni pour la faire revivre, mais plutôt comme un tribut à la femme dont j’ai toujours cru tout savoir, et qui m’a surpris jusqu’au bout. » Neuf mois décrit l’amour que Philippe Garnier porte à sa femme décédée quinze ans plus tôt. Après des années d’hésitation et de peur de ne pas en faire un portrait à sa hauteur, il décide d’écrire un texte factuel, loin des larmes et du pathos.

Ainsi, l’auteur relate la difficulté de s’occuper d’elle à longueur de journée et à longueur de nuit, et le vide qu’elle a laissé derrière elle une fois décédée, sans jamais la placer comme victime de sa propre histoire pourtant si tragique. A travers son regard de mari et d’aidant, l’auteur raconte d’abord les derniers moments de sa femme, avant de poursuivre sur un peinture de la vie sans elle. Aussi, la première moitié du roman est-elle construite sous la forme d’un journal intime, datant les derniers jours de la vie d’Elizabeth. Au contraire, la seconde ne suit plus de fil directeur, les journées se mélangeant au gré des souvenirs et des minutes de vie mourantes. 

La mort de soi 

Alors que la nouvelle fatidique lui tombe dessus, Elizabeth, prend certainement la décision la plus difficile de sa vie et de celle de son compagnon : ne pas suivre les traitements qui risquent de la détruire et vivre pleinement ses derniers mois de vie. Toutefois le récit ne se concentre pas  sur cette importante discussion ni même sur les premiers mois de la fin de sa vie. Nous ne découvrons le couple qu’un mois avant la fin, lorsque le corps de la jeune femme commence à périr, à lâcher petit à petit. Alors que nous nous immergeons dans  leur quotidien, nous nous perdons en même temps que le narrateur, qui, chaque jour, se contraint à des habitudes forcées afin de conserver un semblant de normalité dans ce quotidien fait d’attente et d’adaptation à la maladie de son épouse. « Tout est vite devenu rituel dans [sa] vie suspendue : […] les feux de bois dans la cheminée [qu’il] s’obstine à allumer même quand les soirées sont douces. » 

En effet, « Vouloir mourir, c’est une chose, mais votre corps, lui, ne l’entendra pas de cette façon, et résistera. » De fait, alors que le dernier mois semble pourtant s’écouler rapidement, les derniers jours de la jeune femme sont longs, chaque changement dans la routine est relaté, chaque difficulté est soulignée et surtout, son mal-être n’est pas édulcoré. Les repas deviennent de plus en plus maigres, les balades se font de plus en plus rares et les jeux de carte ne sont plus ressentis comme des jeux mais comme des moyens d’échapper, le temps d’une partie, à la douloureuse réalité. 

Au contraire, il décrit sans pudeur les difficultés d’aider une personne malade : les pleurs, les douleurs, les espoirs et les déceptions.

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