La littérature entretient avec le réel un rapport ambigu. Par temps de crise, sentant sous nos pieds le sol qui tremble, devant la lacération, la fragmentation, deux choix s’offrent à nous : continuer la petite entreprise littéraire, ou interroger, inquiéter le réel, le pulvériser. Cette semaine, nous avons invité autrices et auteurs à faire ce second choix.
La littérature entretient avec le réel un rapport ambigu. Par temps de crise, sentant sous nos pieds le sol qui tremble, devant la lacération, la fragmentation, deux choix s’offrent à nous : continuer la petite entreprise littéraire, mains yeux cervelle sous la terre, jouer aux béats, aux esthètes, et dire : « Qu’importe si le monde s’écroule, le mien vit, bat, survivra. »
Mais la littérature de l’enfouissement, de l’aveuglement, a l’odeur rance du cadavre : elle est déjà morte.
L’autre choix, c’est de s’y frotter, mettre les doigts dans la plaie, et ne pas craindre ce qui jaillira par geyser ou petits saignements. Attention, il ne s’agit pas là de faire de la littérature de commentaire, faussement engagée, de parler de « praxis » cigarette à la bouche, en se donnant l’air profond, mieux utile que les autres. Ceux qui font de la politique par souci marketing sont aussi cloportes que les autres.
Non : interroger, inquiéter le réel, le pulvériser, parfois, l’abandonner, peut-être, sauver quelque chose, un morceau, une émotion, un souci de fuite ou d’exil, avoir l’oeil sur le monde qui tombe, sur la chute qui se poursuit. L’oeil et la langue. Toute la rage nécessaire pour le dire par la phrase.
Quitte à foutre le feu au reste du corps, quitte à jouer les pyromanes, les adolescents suicidaires, ceux qui n’écoutent que les coups de marteau dans le coeur.
Cette semaine, nous avons invité autrices et auteurs à faire ce second choix.
Feu !
© JOEL ROBINE/AFP