À la veille d’élections capitales pour l’Allemagne et pour l’Europe, les regards étaient moins braqués sur les films projetés au Berliner Palast que sur les sondages, marqués par une progression spectaculaire de l’AfD, le parti d’extrême droite allemand. À l’image d’un festival qui se fait souvent la chambre d’écho des enjeux politiques du moment, la cérémonie de clôture a donc été ponctuée de discours engagés, comme celui du cinéaste roumain Radu Jude, couronné par l’Ours d’argent du meilleur scénario (pour un film qui paradoxalement semble se détacher de toute ligne narrative claire). « Comme il y a des élections ici demain, j’espère que, l’an prochain, le festival n’ouvrira pas avec Le triomphe de la volonté de Leni Riefenstahl » a-t-il déclaré, faisant référence à la cinéaste officielle du régime nazi. 

À rebours d’une période où le dialogue paraît mis à mal sur tous les fronts, la dialectique était au cœur d’une partie des films en compétition. Qu’il s’agisse de Blue Moon de l’américain Richard Linklater qui met en scène l’amour empêché d’un vieux génie de la comédie musicale (incarné par Ethan Hakwe) pour une jeune femme (Margareth Qualley), d’Ari de Léonore Serraille, lumineuse errance d’un jeune homme en proie aux doutes qui renoue avec ses amis d’enfance, ou encore deRadu Jude avec Kontinental 25, variation farcesque de Crimes et Châtiments dans laquelle une femme se sent coupable suite à son implication indirecte dans la mort d’un sans-abri, le dialogue semblait être le principe directeur de ces réalisateurs.

Plus flagrant encore : la compétition a mis en avant les réalisatrices (40% des films présentés ont été réalisés par des femmes), et la question d’une maternité qui ne va plus de soi. Dans Mother’s Baby, la réalisatrice autrichienne Johanna Mod met en scène les tourments d’une femme persuadée que son bébé a été échangé à la naissance. Écrit et réalisé par Rebecca Lenkiewicz et adapté du roman à succès de Déborah Lévy, Hot Milk raconte sans vraiment convaincre le versant négatif de la relation fusionnelle entre une jeune femme et sa mère. Dans What Marielle Knows de Frédéric Hambalek et If I Had Legs I’d Kick You de l’américaine Mary Bronstein, la fille de la famille devient un poids pour ses parents. Enfin, La Tour de glace de Lucie Hadžihalilović met en scène la relation ambiguë entre une jeune fille orpheline et une actrice incarnée par Marion Cotillard. Le film s’est vu remettre le prix de la meilleure contribution artistique, prix en un sens mérité pour une œuvre dont l’emballage est plus consistant que le fond. À noter que ce long métrage, tout comme Reflet dans un diamant mort du duo de réalisateurs belges Hélène Cattet et Bruno Forzani,mèneune réflexion sur la manière dont le fictif infiltre le réel jusqu’à le faire éclater.

Dans cette compétition homogène – sans pour autant de coup d’éclat notable – c’est finalement un film que personne n’attendait qui a été distingué par l’Ours d’or : Dreams, le troisième volet d’une série sur l’amour et la sexualité réalisée par le norvégien Dag Johan Haugerud, qui s’attache à raconter l’amour d’une jeune fille pour sa professeure. 

Retour sur notre top personnel.

La sélection de Romane : 

  • Reflet dans un diamant mort, d’Hélène Cattet et Bruno Forzani.

Un vieil espion est forcé de renouer avec son passé suite à la mystérieuse disparition de sa voisine de chambre. David Lynch peut se rassurer : son esprit est là, quelque part, dans un des reflets de ce diamant à mille facettes que met en scène le duo de cinéastes belges Hélène Cattet et Bruno Forzani. Reflet dans un diamant mort se présente comme un génial hommage au giallo italien et aux romans photos d’espionnage, mais pas que ; les références cinématographiques se multiplient jusqu’à créer un effet de saturation visuelle et sensorielle. C’est peut-être que le cinéma n’est qu’affaire d’artifices et de jouissance, nous suggère le duo. Hommage au cinéma, donc, mais pas que : à travers ce faisceau d’images, les réalisateurs jouent et s’interrogent sur cette figure de l’espion en vogue dans les années 1970 et dont l’ambition était de sauver le monde. Quel échec ! Il semblerait qu’il se soit lui-même perdu dans son labyrinthe fictif.

  • Le rendez-vous de l’été, deValentine Cadic.

L’air est chargé par une chaleur étouffante et par les clameurs ...