Pour son quatrième long-métrage, Panos H. Koutras suit deux frères attachants partis à la recherche de leur père.
À première vue, tout oppose Odysseas et Daniel, 17 et 15 ans, fils d’une mère albanaise et d’un père grec. Le premier a quitté le foyer familial dès ses 14 ans. Envoyé chez son oncle à Athènes pour l’été, il n’est jamais revenu en Crète au grand désespoir de son petit frère. A quelques jours de sa majorité, Ody est beau garçon, salarié dans un snack, en collocation avec un ami albanais. Il mène une vie classique.
Dany lui, se fait remarquer à chaque coin de rue. Mèche blonde décolorée, casquette sur la tête, baskets rouges aux pieds, bracelets fluos aux poignets, collier hérissé de piques, son look signe la revendication de son homosexualité. Grand adolescent agissant avant de réfléchir, il mastique perpétuellement une sucette et dégaine son smartphone à tout moment pour prendre des photos.
En quête de racines
A la mort de leur mère Jenny, ex-chanteuse détruite par l’alcool et la dépression, Dany embarque pour le port du Pirée avec son lapin blanc Dido. Il tente de convaincre Ody de partir à la recherche de leur père. Tel un Voldemort hellène, la fratrie appelle son paternel « L’innommable ». Ils ne lui ont jamais pardonné son abandon alors qu’ils étaient encore petits. D’ailleurs, peut-être qu’ils ne connaissent même pas son nom…
Panos H. Koutras filme donc la quête identitaire de Dany et Ody. Si leur première idée est bien de soutirer de l’argent à leur père (qu’ils imaginent richissime), les frères veulent aussi lui quémander la nationalité. Leur mère albanaise a en effet perdu son titre de séjour : à leur majorité, les deux frangins se retrouveront clandestins… « Ces deux jeunes garçons mineurs se découvrent étrangers dans le pays où ils sont nés », explique Panos H. Koutras. « En Grèce, 200 000 jeunes correspondent à ce profil ! Je voulais aborder le sujet des enfants apatrides, dans mon pays où le droit du sang prime sur le droit du sol. Avec l’émergence de l’extrême droite en Grèce et plus largement en Europe, le problème prend des proportions dramatiques. »
Odyssée moderne
Le périple est ponctué de rebondissements. Les héros attachants se font aider par un tenancier de discothèque vieil ami de leur parent, sont tabassés par des homophobes, s’inscrivent au concours de chant The Greek Star (l’équivalent de notre Nouvelle Star)… Malgré leurs quatre années de séparation, la complicité unit toujours Dany et Ody, aussi bien lors de chorégraphies apprises dans l’enfance que pendant des batailles d’eaux version Dragon Ball Z.
Le réalisateur grec mène son scénario de manière rythmée et laisse entrevoir la crise qui frappe son pays. Sans-domiciles errant dans les rues, immeubles inachevés, groupes fascistes violents, hôtels de luxe n’accueillant plus personne… Entre cette étrange Grèce du XXIe siècle et les vieilles chansons lancinantes de leur idole Patty Pravo, Ody et Dany vont donc tenter de trouver leur place et des réponses à leurs questions.
Lola Cloutour
- Xenia, de Panos H. Koutras avec Kostas Nikouli, Nikos Gelia, (2014).