Après Chicago et Londres, la vague Lichtenstein déferle sur Paris au Centre Georges Pompidou jusqu’au 4 Novembre. Tout novice se doit de connaître ses fameux “comics”. Si pour vous, son travail se résume à cela alors courez à cette exposition. Non seulement pour les voir, mais surtout pour prendre conscience que son travail ne se résume pas à de simples reproductions et agrandissements de bandes dessinées.
Au contraire, l’oeuvre de Roy Lichtenstein est bien plus technique que ce que laisse présager la première impression et bien plus riche que beaucoup d’autres de ses contemporains pop art. Lichtenstein est d’ailleurs considéré comme l’un des chefs de file de ce mouvement, au même titre qu’Andy Warhol, et il suffit de voir l’oeuvre choisie par les éditions Taschen pour leur couverture du beau livre “Pop Art” (M-Maybe, A Girl’s picture) pour s’en rendre compte. Cependant est-ce vraiment un bon choix ? Avant cette exposition, il était pour moi indéniable que Roy appartenait à ce mouvement, les livres comme mes professeurs m’en ont toujours parlé ainsi. Cependant, la rétrospective que nous propose le Centre m’a poussé à m’interroger sur ce postulat.
La culture pop
Tout d’abord un petit rappel se doit d’être fait. Le pop art est l’association de deux termes qui étaient jusque dans les années 60 antinomiques: “populaire” et “art“. L’art se soucie enfin de la culture populaire, s’en inspire et tente d’en faire partie. L’exposition commence d’ailleurs par une phrase rassemblant l’esprit du mouvement: « Le pop art regarde le monde ». Il ne le regarde pas seulement, il le reproduit. Et qui plus est, ce monde est en mouvement et la culture populaire qui n’avait jamais pris autant d’importance jusque là explose. Enfin, comme le résume Timan Osterwold « Les sujets, les formes, les moyens du Pop Art dénotent clairement les caractéristiques essentielles que nous avons coutume de rattacher à l’atmosphère des années 60 et à l’esprit des Hommes qui les ont vécues ».
Le pop art est l’association de deux termes qui étaient jusque dans les années 60 antinomiques: “populaire” et “art”
Revenons donc au travail de Lichtenstein. En effet une grande partie de son oeuvre, et la plus connue par ailleurs, est largement inspirée de la société et de la culture de masse, elle est une reproduction identique de certains de ses éléments, que cela soit des produits de la vie quotidienne ou des publicités, et surtout des extraits de comics. Donc oui, sur ce point Roy Lichtenstein est définitivement un “Pop“, qui s’imprègne de la société, et la retranscrit telle qu’elle est. Il est d’ailleurs très attiré par l’agressivité de cet “art commercial” mais aussi par toute chose violente (Wall Explosion II), torturée, empreinte de sentiments dramatiques. Cependant cette attirance pour les sujets empreints d’émotions, notamment dans les agrandissements de comics, n’est que superficielle.
Un artiste en marge de la société
Si les sujets que Roy Lichtenstein choisit sont toujours empreints d’émotions, il n’en va pas de même pour sa manière de procéder et de créer l’oeuvre. Il y a un paradoxe clair entre le sujet qu’il choisit de représenter et la manière dont il le traite. La réalisation est technique, trop technique et mécanique pour laisser passer quoique ce soit de l’âme de l’artiste. A tel point que même si les sujets sont émotionnels, leur ré-interprétation est laconique. C’est sur ce point qu’il faut insister. La froideur et le mécanisme de la réalisation font de Lichtenstein un artiste en marge de la société qu’il représente, et surtout, qui prend du recul par rapport à celle ci. C’est précisément là que l’appartenance de Roy Lichtenstein au Pop Art reste douteuse. En effet son attachement à la culture populaire restant superficielle et la manière de traiter sa représentation oxymorique, nous ne pouvons que répondre non à la question. “Roy Lichtenstein est il vraiment pop?“. De plus l’artiste n’a pas laissé comme héritage des œuvres uniquement pop, il a, en début de carrière, touché à d’autres courants comme l’expressionnisme abstrait puis dans la deuxième partie de sa vie, il n’a jamais cessé de garder un contact avec les œuvres de l’avant-garde, Picasso, Matisse, Léger, … .
On peut donc conclure ainsi: Lichtenstein était très certainement contemporain du mouvement pop, il s’en est inspiré, l’a approché mais n’a jamais vraiment appartenu pleinement à sa philosophie. Cependant pour vous faire votre propre opinion, je ne peux que vous conseiller d’aller visiter cette exposition, de rencontrer les œuvres mais aussi de remarquer à quel point le travail de recherche autour de cette exposition a été bien mené.
- Roy Lichtenstein, Centre Pompidou, 3 juillet – 4 novembre 2013