Sister Hong (« Sœur Rouge ») ou l’homme qui aura réussi l’impensable : réconcilier les féministes et les incels (célibataires involontaires) ? Ce Chinois de trente-huit ans a explosé sur les réseaux sociaux en juillet dernier. Connu sous les traits d’une femme mariée ou divorcée en quête d’aventures, il se travestissait pour avoir des relations sexuelles avec des hommes via des applis de rencontres. Relations qu’il filmait à leur insu. Son petit manège aura duré plusieurs années avant que les vidéos de ses ébats avec ses victimes ne fuitent et ne prennent une ampleur inédite en ligne, cumulant des centaines de millions de vue. Aujourd’hui poursuivi pour production et diffusion de contenu obscène, il risque dix ans de prison. Retour sur ce cas qui interroge notre société patriarcale et le statut de victime.

Sister Hong, au-delà du personnage, un symbole

Sister Hong, c’est quoi ? Et comment expliquer une telle fascination pour ce personnage étrange ? Jiao, de son vrai nom, avait mis en place un stratagème bien rôdé, et ce jusque dans les moindres détails : perruque, maquillage, filtre, logiciel modificateur de voix et pénis scotché entre les jambes. Grâce à ces artifices, il gagnait la confiance de nombreux hommes sur des applications de rencontres. Identifiable en un clin d’œil, Sister Hong avait tout pour devenir un personnage culte entre son uniforme – coupe longue à frange, col roulé sombre, longue jupe claire – et le plan fixe sur sa chambre – espace minimaliste et fonctionnel.

Une fois le poisson hameçonné, le scénario se décline à l’infini. Sister Hong invite un homme dans sa chambre contre des cadeaux de toutes sortes, allant de simples fruits à des appareils électroménagers. Cet échange en nature contre une prestation sexuelle pose d’ailleurs question. Peut-on considérer ces présents comme une rémunération, faisant alors basculer la relation dans le champ de la prostitution ? Ce sera à la justice de trancher. 

L’offrande ainsi remise, l’homme se déshabille devant la caméra cachée, puis Sister Hong – plus soucieux de l’hygiène que du consentement  – s’affaire à nettoyer consciencieusement avec des lingettes les parties intimes de monsieur. S’ensuit généralement une fellation ou une masturbation, mais certains hommes iront jusqu’à faire un cunni à leur hôtesse, sans s’apercevoir de rien. Avant de chercher le point G, nous invitons vivement ces messieurs à revoir l’anatomie féminine et à ne pas se croire mieux que ceux qui n’y ont vu que du feu. Bien sûr, d’autres ont eu des doutes, mais peu ont rebroussé chemin. Enfin, l’homme se rhabille, s’abandonne parfois à discuter quelques minutes au lit avant de claquer la porte. 

La deuxième partie du plan peut commencer : le partage des vidéos sur des groupes privés contre une vingtaine de dollars. Non content d’avoir un repas à l’œil et un coup vite fait, Sister Hong capitalise sur ses ébats. Ce petit jeu, qui est loin d’en être un, a duré plusieurs années avant que les vidéos ne fuitent sur les réseaux sociaux, en particulier TikTok. Si nous ne savons pas qui est à l’origine de cette diffusion massive, la police chinoise estime qu’une centaine d’hommes a été piégée. Selon Sister Hong, ce serait plus de 1 690 hommes, l’érigeant au rang d’une figure emblématique, presque christique : une espèce de sœur vengeresse, prête à exposer des hommes adultères, des pères de famille, des hommes bien sous tout rapport mais cachant tous une perversion vouée à être lynchée.

Tiktok et Instagram, quand le rire anéantit des vies

Les vidéos mettant en scène Sister Hong et ses conquêtes sont rapidement devenues virales sur TikTok. On ne compte plus le nombre de vidéos éditées – rarement floutées, se foutant royalement de préserver l’anonymat des personnes filmées à leur insu – avec des ralentis et des zooms sur les torses et les visages en pleine jouissance, le tout sur fond de musiques du moment. Car la viralité des vidéos ne s’explique pas seulement par le personnage de Sister Hong, mais aussi par le profil de ses partenaires. Souvent jeunes et athlétiques, ces hommes sont ce que les incels qualifient volontiers de « mâles alpha ». Des hommes qui appartiendraient à une certaine élite et que les femmes s’arracheraient au détriment de la majorité. Sister Hong, en exposant et en humiliant les alphas, aurait contribué à rétablir l’équilibre et à apporter la paix à tous ces laissés pour compte, sacrifiés sur l’autel du célibat. 

Enfin, la viralité peut s’expliquer par la pauvreté et la médiocrité du cadre, le côté répétitif et ridicule : un homme travesti en femme qui se fait prendre par des beaux gosses infoutus de s’apercevoir qu’ils baisent un homme, des beaux gosses infidèles qui se tapent un thon, une femme pas terrible qui leur demande de la nourriture contre du sexe, et qui se trémousse parfois contre leur pénis, ce qui sera à l’origine du Sister Hong challenge sur Instagram. Un challenge permettant aux internautes de reproduire sa fameuse chorégraphie avec ...