La mystérieuse disparition d’une jeune fille tient ici de prétexte fictionnel, et des figures isolées de personnages : une veuve loin de son Viêtnam natal, deux agents de sécurité, une lycéenne endeuillée, reliés comme par un jeu de rimes. Traînant leurs silhouettes malheureuses dans cette Arcadie artificielle, ils vivent un présent sans fondement, comme hors du temps, attendant avec un doux désespoir que quelque chose arrive. C’est toute la ville qui est contaminée par ce pressentiment désespéré de la chute, par cet espoir du désastre, de la fin des utopies malades.
Les titres des actualités font un drôle d’écho aux mots fléchés, au mot mystère, faisceaux de signes et d’indices d’un monde en déréliction, plongeant l’anti-cité dans un air permanent de complot, étrangement proche de celui dessiné par David Robert Mitchell dans Under The Silver Lake. Sans trace de communauté, chacun reste chez soi et on se réunit en secret, souvent la nuit, pour tenter de donner du sens au jour qui va suivre. Les uns assistent à des réunions mystiques, les autres fondent une milice et lancent des expéditions punitives – tous au fond pressentent et précipitent la soi-disant catastrophe à venir. Sur le soleil levant, la voix-off égrène les cataclysmes comme autant de possibles annonciations divines.
La fantastique conclusion d’Andorre était un avertissement, celle de Sophia Antipolis une confirmation : inutile de sonder l’espace ou les astres, puisque l’homme a fait de lui-même un alien sur Terre, témoin oculaire d’une fin du monde sans cesse promise, toujours recommencée. Sur Sophia Antipolis, le soleil se lève à l’Ouest et il a des airs de champignon atomique.
- Sophia Antipolis, Virgil Vernier, avec Dewi Kunetz, Hugues Njiba-Mukuna, Sandra Poitoux, Bruck, Lilith Grasmug,31 octobre 2018