La lune s’enfuit, court récit initiatique de l’écrivain, cinéaste et photographe finlandais Rax Rinnekangas, paraît ce mois-ci en collection Libretto. Retour sur une œuvre culte en son pays.
« La mort nous était indifférente. Nous ne la connaissions pas et nous n’y pensions pas, jusqu’à ce qu’elle surgisse dans notre existence, cet été-là. »
Toute commence précisément cet été-là pour Lassi, 13 ans, qui part rejoindre ses cousins, Sonja et Léo lors de grandes vacances, dans la petite ferme de Latvala, où vivent les parents adoptifs de son père, « oncle Eino et tante Marjaana. »
Dans cette campagne finlandaise inondée de chaleur et d’innocence, les longues journées de trois cousins s’écoulent en jeux, en courses, et en hypothèses sans fins sur la « maison tutoyée par le destin », où vit le mystérieux grand-père de Lassi, Mooses Kallio, qui un jour, suite au décès de sa femme, abandonna tous ses enfants pour partir en France s’engager dans la Légion.
Mais c’est surtout Sonja, cette « créature engendrée par quelques vents frais de la nuit », qui irradie de sa puissance solaire, le quotidien provincial des deux adolescents, subjugués par son autorité déjà sensuelle, qui devient petit à petit la pierre angulaire du lien mystique, sexuel, et bientôt coupable unissant les trois jeunes adolescents.
« Nous nous serrâmes les uns contre les autres, contre le sang rouge de Sonja, et contre notre innocence, en riant avec frénésie. Et nous tournoyâmes ainsi vers la première mort de l’été »
Récit d’initiation qui devra passer par le douloureux apprentissage de la mort de l’être cher, La lune s’enfuit est le premier roman de Rax Rinnekangas, publié en 1991 en Finlande, et qui connut d’emblée un vif succès critique et commercial.
Dans une langue simple et équilibrée, sans fulgurances ni fioritures, l’auteur finlandais nous donne à lire avec tendresse et clairvoyance– mais sans doute ce récit n’est-il que celui de la jeunesse de son auteur, toute la pureté et la sincérité (d’eût-elle être incestueuse, comme le devient la liaison entre Sonja et Léo) des découvertes physiques et sentimentales, des tourments de la très jeune adolescence, du regard perplexe et plein d’acuité enfin de l’enfant, sur le monde qui s’offre à lui.
La joie, le chagrin, l’expiation. Ainsi se présente la tripartition du roman, et c’est sans prévenir que la mort fait son apparition
La joie, le chagrin, l’expiation. Ainsi se présente la tripartition du roman, et c’est sans prévenir que la mort fait son apparition, et que la douce lumière lunaire qui recouvrait cet été-là de son halo magique les trois adolescents s’enfuit à jamais. Car il n’est pas d’expiation sans chagrin, d’apprentissage du monde sans découverte du drame, qui en est sa matière secrète, cachée au regard de l’enfant.
Mélancolique et habité, La lune s’enfuit est un long rêve nostalgique, traversé par les fermes rougeoyantes de Finlande, les dernières notes d’innocence de l’enfance qui disparaît, le chagrin du deuil, et l’éveil au monde.
La lune s’enfuit, Rax Rinnekangas, Editions Libretto, 115 pages, 03/01/2013, 7,70 euros.
Sébastien Reynaud