Créé à la Faïencerie (Creil, Hauts de France) en mars 2025, le spectacle Technique de l’orage explore la relation entre le vivant et la machinerie du théâtre. Le travail de reproduction d’un orage sur scène devient une exploration poétique, technique et métaphysique de notre lien à l’invisible. Rencontre avec Elodie Ségui, directrice artistique et metteure en scène du projet.
Fondatrice et directrice de l’atelier de création L’Organisation qu’elle crée en 2010, Elodie Ségui expérimente des formes artistiques multiples. Entre spectacles et concerts, installations et performances, mais aussi fêtes, banquets et expositions, ses créations constituent un univers prolifique peuplé d’artistes pluridisciplinaires et inventifs. Sensible aux problématiques des technologies qui régissent notre espace vital et nos comportements, elle fait de la question du corps dans l’espace une thématique centrale de son travail. Davantage attachée à la liberté qu’à l’expertise, elle aspire à permettre au public et à ses équipes de sortir des carcans, pour réactiver des principes de désir et d’autonomie. Ainsi le lien sensuel et physique au réel tisse un fil rouge entre ses créations. Dans Technique de l’Orage, il sera question du lien entre le vivant et la technique, celle-ci se révélant aussi comme un moyen de se reconnecter à notre imaginaire.
On entre dans la salle comme on entrerait dans une salle de répétition ; au fur et à mesure que le public s’installe, comédiens, techniciens et metteure en scène circulent entre les sièges des spectateurs et le plateau, à l’image d’une séance de travail. C’est ce dont il s’agit ; d’une recherche, moins d’une forme parfaitement lisse et aboutie que d’un mouvement expérimental, habité par la nécessité de révéler quelque chose d’invisible. Tous, ici, sont des interprètes, les techniciens à vue jouant alors leur propre rôle.
Elodie Ségui nous parle de son atelier de création, de l’intuition à l’origine de ce spectacle et de l’éclosion de cette forme singulière.
Morgane Gander : D’où vient la nécessité de ce spectacle, comment t’est venue l’envie d’explorer la relation entre le vivant et la technique?
Elodie Ségui : J’ai été élevée dans un monde très fantasmagorique, par un peintre et une scénographe qui passaient leur temps à embellir la réalité. La création était pour moi un endroit où m’interroger sur mon rapport au réel et les contraintes de temps et de production une manière d’en revenir à des principes de réalité, de démêler l’affabulation.
“[…] la machinerie, la boîte noire du théâtre est une porte vers l’invisible et l’imaginaire qui nous permet de réactiver les liens sensuels à la multiplicité du réel.”
Explorer le lien sensuel au réel, c’est affirmer la pluralité des réalités, des mondes dans les mondes, et le spectacle parle de la façon dont on se relie à ceux qui nous sont invisibles. Les spectacles que je crée et ceux des autres me donnent l ’occasion d’entrevoir ce corps à corps avec la machine, c’est cette machine du théâtre qui sert à fabriquer de l’illusion qui nous lie à notre imaginaire.
Morgane Gander : Technique de l’orage s’inscrit dans un cycle de création, une tétralogie Plateau paysage. Qu’est-ce qui fait l’unité de ce cycle ?
Elodie Ségui : C’est le lien entre création et technique, suivre l’intuition que la machinerie, la boîte noire du théâtre est une porte vers l’invisible et l’imaginaire qui nous permet de réactiver les liens sensuels à la multiplicité du réel.
Morgane Gander : Trouves-tu que la mise en lumière des « métiers de l’ombre » est une chose qui manque au paysage du théâtre contemporain ?
Elodie Ségui : Je dirais que je suis contente de faire quelque chose que les autres ne font pas ! Je me suis rendue compte que je connaissais mal les techniciens, et qu’il fallait donc que j’apprenne à mieux les connaître. Il y a beaucoup de clichés à leur sujet, notamment l’idée qu’ils sont très mal payés alors qu’ils sont parfois bien mieux rémunérés que les acteurs. Ceux qui sont les plus défavorisés sont en réalité les femmes et les minorités, et tout le monde a conscience d’être très dépendants des techniciens.
Morgane Gander : Co...