Avec son image lissée, ses couleurs pop et ses intérieurs d’une propreté clinique, The Substance cache bien son jeu. Mais la coquille du deuxième long-métrage de Coralie Fargeat se fendille vite et l’œuf finit par exploser dans un magma jubilatoire de body horror et de surenchère infinie. Un Prix du Scénario cannois tout en chair et en sang.
Elisabeth Sparkle est belle, mince et célèbre. Mais voilà : elle n’est plus toute jeune. Cette tare lui vaut d’être renvoyée de l’émission de fitness qu’elle présente depuis des décennies. Peu importe si ses rides sont à peine visibles, cinquante ans est un âge fatal. Le public – et surtout les producteurs – réclament de la chair fraîche. Alors, pour faire de la place pour la prochaine égérie, on arrache des murs les innombrables affiches d’Elisabeth, et l’ancienne actrice en est réduite à se contempler chez elle, dans le miroir de sa salle de bains ou dans la gigantesque photographie d’elle en (petite) tenue de sport qui trône dans son salon. Privée des regards et de la célébrité, Lizzie finit à son tour par désigner son corps et son âge comme responsables d’une situation qu’elle n’accepte pas. Intervient alors The Substance, une injection tout aussi mystérieuse que miraculeuse, qui promet à chacun de devenir une “meilleure version de soi-même” en engendrant un autre-soi, plus jeune et plus séduisant. L’arrivée de ce double ne signifie pas la disparition du corps-mère, mais la mise en place d’une drôle de garde alternée, où l’une vit normalement tandis que l’autre est plongée dans une sorte de coma dont il faut sortir au bout de sept jours. Si chaque copie peut profiter de son existence propre, elles sont cependant liées : je est un autre et cet autre est moi. Le long-métrage repose entièrement sur ce concept prometteur, présenté très simplement et sans chercher d’explications scientifiques superflues. De là, Coralie Fargeat trace un trait droit, une cascade évidente : Elisabeth va s’injecter The Substance et donner naissance à Sue, qui, prenant de plus en plus goût à son existence et à son nouveau métier de présentatrice fitness, bafoue les règles d’utilisation du produit pour prolonger son temps d’activation. Ce qui aura évidemment des conséquences terribles pour Lizzie.
Le genre horrifique permet à The Substance de faire siennes les conséquences des diktats sexistes et d’explorer au sens littéral la dévoration du corps des femmes.