Sous le soleil d’un mois de mai pauvre en sorties cinématographiques louables et à l’heure du lancement des festivités cannoises, une réminiscence de la saison passée vient pointer le bout de son nez. Présenté en mai dernier au Cinéma de la Plage, le nouveau film de Daniel Burman écume les thématiques familiales, identitaires et spirituelles mais ne parvient pas à surprendre sans ennuyer. Si bien qu’il prend l’eau et boit la tasse. 

Absent du grand écran depuis près de huit ans, le réalisateur, d’origine juive-polonaise, choisit de nous livrer un nouveau miroir déformant de sa propre vie, après Le Fils d’Elias. Le film s’ouvre donc sur une famille argentine, somme toute équilibrée, heureuse propriétaire d’une coquette boutique de vêtements depuis plusieurs générations – Singman Modas. Alors que trois des membres de cette famille nucléaire siègent à l’épicentre du magasin familial, Rubén apparaît. Vêtu des vêtements féminins confectionnés par maman et vendus par papa, il offre un spectacle de danse et de chant à ses parents alors attablés, dans un embarras mêlé de fierté. À l’aune de ses treize ans, alors qu’il s’apprête à subir plutôt qu’à célébrer sa bar-mitsvah, c’est sa manière à lui de tenir tête à son père, pour qui un enfant est d’abord un concept né de la pensée patriarcale avant de devenir embryon dans le ventre créateur.

Mais sans prendre le temps de poser le décor et de traiter en profondeur les seuls questionnements qui comptent, nous voilà quinze ou vingt ans plus tard. Comment le moralisme religieux, couplé au poids des injonctions familiales, cristallise-t-il les traumatismes ? Comment lisse-t-il les identités dès la petite enfance ? Tout cela est malheureusement passé sous silence. D’un coup d’un seul, Rubén s’appelle désormais Mumy Singer, en hommage au prénom de sa grand-mère et au nom familial, Singman, dont elle ne retire que la syllabe qui l’intéresse : celle du chant comme de la célèbre machine à coudre. Diva magnétique et chanteuse populaire qui fait vibrer l’Espagne, terre d’accueil de ses chants yiddish, elle s’est émancipée des carcans familiaux tout en rendant hommage à ses racines hébraïques, qu’elle n’a jamais complètement oubliées, mais dont elle a été forcée de s’éloigner. Si l’heure semble venue pour les repentis et les regrets d’un père aimant malgré tout, ce dernier est terrassé par une attaque cardiaque le jour où il décide d’enterrer la hache de guerre en allant voir sa fille chanter. C’est alors dans les couloirs de la mort que se disent les pardons muets et les adieux faits de naphtaline, d’yeux timides et de regards fuyants. En réponse aux obsèques du patriarche, Mumy somatise une extinction de voix et ne peut plus chanter – chant sans quoi elle n’est plus vraiment Mumy non plus. Qui est-elle désormais ? Revenir en arrière semble être la seule façon d’aller de l’avant et le voyage vers cette terre promise intérieure commence. Elle se met alors en tête de célébrer sa bat-mitsvah pour renouer avec...