Dans ce dossier évoquant la force inégalable du rap francophone au sein de la société française, il faut également se pencher sur les différentes formes du genre, et toutes ses déclinaisons possibles. Parmi toutes les directions que prend le rap francophone, on peut citer la voie des artistes originaires du Maghreb et plus particulièrement les artistes marocains, avec trois exemples bien particuliers. 

Zamdane, ElGrande Toto, et pour finir Khtek, incarnent la nouvelle génération du rap marocain et incarnent chacun à leur manière le rayonnement du pays sur la scène francophone. Ils ont en commun d’amener avec eux, en musique ainsi qu’en image, leur relation à leur pays, même si les trois en sont à des stades bien distincts de leurs carrières respectives.  

Si Zamdane incarne la figure du nouveau prodige pour le public francophone, ElGrande Toto représente pour sa part la figure incontestable d’une star en son pays, tandis que Khtek commence à ouvrir des portes qui demeurent plus lourdes pour les rappeuses. 

  • Zamdane 

Parler du Maroc à travers notre prisme français pousse l’auteur de ces lignes à mentionner en première place Zamdane. Né en 1997 à Marrakech, il est devenu ces deux dernières années, l’un des rappeurs franco-marocains les plus écoutés et remarqués en France. Beaucoup se sont intéressés à lui par la douleur et la profondeur de ses émotions. 

En somme, Zamdane appartient à la catégorie des artistes parvenant à toucher l’intime de ses auditeurs et auditrices malgré sa jeunesse, notamment au sein de la jeunesse racisée qui se retrouve dans son imaginaire et ses récits. 

Sa sensibilité autant que la maîtrise de sa mélancolie en font l’un des dignes successeurs des poètes maudits francophones. Mais plus fort encore, Ayoub de son vrai nom, distille dans ses sons autant de la force de son héritage familial marocain que la puissance de sa nouvelle terre d’accueil et de résidence : la ville de Marseille. 

Sa célèbre série des « Affamés » de 22 sons différents lui a permis de se démarquer dans le rap francophone en incluant des parties chantées en darija dans ses sons. La série commencée en 2018 avec « Affamé #1 – Shook » jusqu’au dernier sorti en 2023 : « Une éternité ne suffit pas #Affamé 22 » a montré son évolution spectaculaire ainsi que de la maturité prise par l’artiste. 

Si ElGrande Toto raconte le Maroc et son quotidien, Ayoub de son côté en parle à travers le prisme de l’exil et du départ. Il évoque aussi beaucoup sa famille, rendant de fait sa vision du Maroc encore plus unique et sentimentale. On rencontre son pays natal à travers les émotions et les souvenirs qu’il parvient à décrire, en convoquant de belles et tragiques images : la traversée, la misère et le deuil. 

France et Maroc, français et darija, Zamdane les a mélangé très naturellement et astucieusement dans sa musique, mais toujours avec authenticité. C’est ce trait qui réunit particulièrement les artistes marocains que j’ai pu écouter : leur façon de ne rien dénaturer ou cacher, ils rappent ce qu’ils vivent et observent quotidiennement.