L’été touche à sa fin, mais il reste du temps pour Marseiller. Se perdre dans des rues brûlantes, se prendre des claques de mistral sur le littoral ou simplement se laisser happer par l’énergie brute de la ville.

Marseille divise. Soit on l’adore, soit on la craint. Ce tiraillement fait toute son intensité. Rien ici n’est tiède. Ville-bordel (Antonin Bojkovski) ou substance poétique (Luce Giorgi) ? Les deux à la fois. Une ville vivante, éclatée, indomptable. Une ville-personne qu’on apprend, qu’on ressent, qu’on aime à force d’y rôder et de s’y frotter.

Cette enquête est une traversée libre et plurielle. Ni guide, ni carte postale mais un patchwork de récits, de corps et de regards. Écrivains, cinéastes, photographes, éditeurs, tous ont en commun un lien fort avec Marseille : choisi, subi ou fantasmé.

L’imaginaire y déraille au contact du réel avec un bleu qui rend fou (Claire Von Corda) ou une Cindy cagole et combative (Luigi Aklil). Autant de fragments qui racontent les paradoxes, les pulsions et les plaisirs d’une ville excessive.

Marseille se dévoile aussi comme un port d’attache pour la maison d’édition Le Bruit du monde (Estelle Derouen) et certaines voix, comme celle de Simon Johannin (Lolita Sene), qui lui rendent justice en parlant d’elle avec reconnaissance et sans cliché.

Cette enquête est le fruit de nombreuses déambulations, essentielles pour s’imprégner de cette caractérielle citée. Métamorphe (Emma Cambier) se lit comme un journal d’apprentissage, une balade en clair-obscur dans des lieux-clefs. La chronique érotique sur Les Dix Japonais en propose une errance sensuelle, aux odeurs de sel et de sueur. Et c’est bien en se perdant dans cette ville, qu’il connaît mieux que lui-même, que le photographe Sofiane Vincent a pu nous délivrer des images éloquentes d’un quotidien entre roche et bitume pour illustrer ce dossier.

Marseille inspire le pas de côté, comme le montre l’œuvre de Rebecca Lighieri (Valérie Vangreveninge) mais aussi l’engagement. Il est visuel chez Şener Yılmaz Aslan (Gabrielle Bonnet) et littéraire chez Claude McKay (Henda Fellous), dont le roman Romance in Marseille résonne ici comme un cri politique autant que poétique. 

Le cinéma aussi s’en empare, en marquant le public par son réalisme, comme avec Shérazade (Guénolé Bianic) et parfois en abusant de ce terrain de jeu, allant jusqu’à l’instrumentaliser (Erwan Mas).

Ici, pas question de « définir » Marseille. Ce serait un piège voire une trahison. Il s’agit plutôt de l’approcher, de sentir ce qu’elle fait aux corps, aux langues, aux affects. Marseille va au-delà du décor : c’est une présence. C’est une personne. Et comme toute personne sincère, elle exige qu’on la regarde droit dans les yeux.

Photos : — Sofiane Vincent.