À première vue, et au regard de son titre [Une histoire de vacances], le film pourrait se donner les allures d’une chronique estivale anodine, esquissant le tableau serein d’une banlieue transalpine où des familles voisines partagent un quotidien ponctué de mondanités convenues et du rythme rassurant de la scolarité des enfants. Pourtant, à mesure que l’été brûle, le soleil agit en projecteur, il met à nu la tension sourde qui s’impose en souveraine et régit les rapports entre voisins dans ce tranquille quartier pavillonnaire.
Grâce à un vieux cahier d’écolier retrouvé dans une poubelle – expression parfaite de l’effacement des enfants dans ce monde toxique –, le narrateur nous entraîne dans l’intimité dissonante de plusieurs familles du Latium. Patriarche de la maison Placido, Bruno agit en père autoritaire et misogyne. Il réduit sa femme Dalila au silence et brime ses deux enfants – Alessia et Dennis. Le couple Rosa, quant à lui, élève sa fille unique Viola dans un climat de froideur émotionnelle, rythmé par les obsessions de réussite scolaire. Amelio Guerrini, père célibataire et incarnation d’un virilisme suranné à la Pino D’Angiò, s’échine à transmettre à son fils Geremia – garçon timide et profondément sensible – les prérequis d’une masculinité dure, fondée sur la force, l’objectification des femmes et une posture machiste revendiquée.
Sur les chemins de l’été, tout ce beau monde se retrouve, entretient une sociabilité de façade. Des activités sont organisées pour distraire les enfants, les adultes se partagent leurs sentiments épris d’arrière-pensées malsaines. On parade, on jalouse, on s’épingle d’un sourire feint, et l’on s’invective non sans discrétion. En coulisse, les enfants préparent leur rébellion pour faire tomber ce voile de faux-semblants, faire cesser les violences physiques et psychologiques dont ils font les frais : ils s’apprêtent à faire sauter le quartier avec une bombe artisanale au zénith de l’été.
Ils s’apprêtent à faire sauter le quartier avec une bombe artisanale au zénith de l’été.
Un dispositif artistique au service de l’aliénation
Pour illustrer à la fois la décadence de cette classe moyenne et la fracture entre parents et enfants – réduits, aux yeux des premiers, à de simples instruments de valorisation sociale –, les réalisateurs Fabio et Damiano D’Innocenzo optent pour une esthétique en contradiction avec la thématique attendue des vacances. Là où l’on s’attendrait à un étalonnage saturé de lumières chaudes, ils font le choix d’une palette chromatique tirant vers le verdâtre, installant d’emblée une étrangeté visuelle. La mise en scène travaille sur le silence, les ralentis et les plans larges pour tenir les personnages à distance. Austère et contemplatif, le film place le spectateur à la marge, dans une position d’observation plus que d’identification. Ainsi, la mécanique collective de névrose sociale est captée, purifiée de la subjectivité de l’intimité des protagonistes.
En effet, cette froideur n’est pas gratuite : elle correspond à la vacuité affective des personnages eux-mêmes. Storia di vacanze, c’est l’histoire d’une classe moyenne souvent poussée à la caricature et surtout le récit de sa mise en scène permanente. Les maisons sont propres, les pelouses entretenues, les relations sociales codifiées. Mais derrière cette façade policée, se nichent rancœurs tenaces, hypocrisie ordinaire et une violence larvée qui s’exerce sur des enfants r...