Je voudrais vous parler de mes spectres ceux qui rôdent au-dessus de ma tête le mot spectre je n’aurais pas dit ça. Je pensais présences je pensais ancêtres, je pensais invisible, au-delà, fantômes. Entités.
Petite déjà ma mère me racontait la finesse du passage de la vie à la mort la présence de ceux qui font le voyage et la possibilité de les voir, accueillir leur visite.
Une fois ma mère avait cru voir le tracé de ma grand-mère sa main écrivant sur la page, sur mon cahier. Plus tard son visage, je la sentais présente ma mère me parlait beaucoup de ses cheveux devenus blancs à 30 ans, ses bijoux, ses châles, ses mots, son mythe, ses manières. Son parfum encore sur ses habits que je portais quelques fois. Son visage pourtant différent du mien, volais comme au-dessus de moi.
Lorsque je démarre un « travail sur moi », on me parle de mes ancêtres je ne suis pas surprise ; leurs blessures, les stigmates qu’ils nous transmettent, notre ADN scellé.
La vision que j’ai d’elle grandit encore, elle se creuse, se complète par des détails, des doutes, des recherches, questionnements.
Je me surprends à lui écrire parfois mon stylo laisse passer ses réponses je fabrique sa parole je l’entends. Je l’appelle. Je l’appelle par son nom, on ditManoula. Je lui demande de me guider, je veux savoir, « Manoula, comment la vie se traverse, avec ce corps, avec ce corps-là. »
Ses messages commencent par « ma chérie ».
Je réalise mon arbre généalogique. Je veux y inscrire tous mes ancêtres. Comprendre et voir, toutes les vies qui traversent, la lumière, les spectres de la lignée, encore au-dessus de moi. Je compile les dates les faits les visages les histoires je compile et rassemble je trace au-dessus de moi. Je retrace, je reforme les vies. J’essaye, j’essaye de comprendre.
La vie. La famille. La mort. La naissance. Les corps. Le passage. L’invisible et les présences, au-dessus de moi.
Je vais chez une dame qui « canalise » : nous allons / « parler » / à la « mémoire » / des ancêtres / « en moi ».
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