« On aurait pu se dire tout ça. Ailleurs qu’au café d’en bas, que t’allais p’t’être partir, et p’t’être même pas revenir » chantait Patrick Bruel en 1989. Sauf que, parfois, on ne s’explique plus dans le couple : on se quitte. Dans un texte aussi sensible que douloureux, Lucas Favre raconte le déchirement de nos situations amoureuses.

Elle lui dit qu’elle le quitte, il ne répond pas ; elle le lui répète, il lui demande pourquoi ; elle lui dit qu’il y en a un autre et sa figure se crispe et ses mains se serrent et son sang se glace et elle se précipite, lui dit que ce n’est pas de sa faute à lui, mais de la sienne – et c’est d’ailleurs vrai qu’il n’a rien fait, elle n’a juste plus envie de lui mais d’un autre, elle toute seule parce qu’il n’est même plus assez important à ses yeux pour être acteur de leur relation qu’elle jette sans appel, après l’avoir complétée des mois durant avec un collègue – et lui ne comprend pas et ne dit rien et la regarde partir, il regarde cette taille qu’il a serrée et ces jambes qui l’ont enserré et ce corps qui s’est mêlé au sien et auquel il s’est mêlé s’en aller et il ne dit rien, ne fait rien, n’en revient pas, ne comprend pas, il se lève tel un somnambule et prend une chambre  d’hôtel car ils vivent – ils vivaient – ensemble et il n’ose courir le risque, le risque de quoi exactement il l’ignore mais il veut glisser, au bout du compte cette chute lui va bien, elle l’enroule de nouveau dans cette douleur dont Julie l’avait tiré sans qu’il comprenne pourquoi, lui qui n’avait pas su voir qu’elle ne cherchait rien d’autre en lui qu’un dernier feu de la jeunesse, juste un dernier frisson, quelques dernières disputes ivres suivies de réconciliations furieuses, un dernier parfum de drame et de romantisme saccadé, car si sans doute elle l’a aimé – au moins d’une certaine manière et à certains instants – il n’était pas venu à la bonne heure, et fatalement elle...