Maison Mellerio-Borgnis (1858-vers 1914) – Dessins de pendants d’oreille – Crayon sur papier calque, vers 1865. © Fonds Van Cleef & Arpels sur la Culture Joaillière

Le Bijou dessiné à la découverte du dessin joaillier s’offre à vous jusqu’au 14 février 2022. À quelques encablures de la très célèbre place en taille émeraude ou taille Asscher se cache, derrière une immense porte cochère bleue, l’Ecole des Arts Joailliers qui organise, depuis plusieurs années, des expositions sur l’art de la joaillerie afin de mettre en valeur ce savoir-faire d’exception méconnu. Depuis un mois se tient donc une magnifique exposition sur le dessin joaillier. 

Le dessin de joaillier : œuvre d’art ou croquis technique ?

Alexandre Brédillard
Dessin de montre-pendentif, vers 1895. © Fonds Van Cleef & Arpels sur la Culture Joaillière

L’exposition revient sur le long processus de création d’une pièce de joaillerie. Le dessin en est la genèse, la première matérialité du bijou. Cela peut être quelques traits comme une véritable peinture réaliste de l’objet. Destiné à un artisanat – que dis-je ? D’un métier d’art ! – le dessin de joaillier doit s’adapter à plusieurs contraintes dont la première est très pragmatique : l’échelle 1. Car le dessin doit permettre au joaillier de se projeter, de voir les pierres telles qu’elles sont. Ainsi, le dessin à l’échelle est une sorte de première maquette qui va guider les différents corps de métier que comprend une maison de joaillerie. Le dessin de joaillier se veut donc technique, mais ne s’affranchit pas d’une dimension artistique et esthétique, car ne l’oublions pas, le dessin doit permettre à chacun de se projeter la pièce de joaillerie. Aussi, doit-il créer du désir !

Après le croquis qui donne et formalise l’idée du bijou vient la mise en couleur qui convoque, elle, différentes techniques comme le gouaché qui permet de préfigurer la pierre et le bijou pour le sertisseur par exemple, l’aquarelle, le lavis qui donne différentes intensités d’une seule couleur par dilution. Chaque technique de dessin et de peinture dépend des couleurs voulues et surtout de la volumétries des pierres. Le dessinateur porte une attention particulière au support. Papier calque ou papier coloré ? Papier épais ou papier végétal jaune ocre ? Telles sont les questions que se posent le dessinateur de joaillerie, élevant le dessin à un haut niveau de technicité.

À la découverte d’un métier

L’exposition est remarquable. Au-delà de présenter des dessins absolument incroyables, l’exposition présente surtout un métier. La dimension pédagogique des expositions de l’École est manifeste. Celles-ci sont une vitrine merveilleuse pour des métiers de talent. Nous avons besoin de ce genre d’exposition pour susciter chez les jeunes une vocation ou un désir d’apprendre un artisanat d’art qui fait la richesse de notre patrimoine français.

Le dessinateur joaillier est anonyme. Seule l’œuvre compte. Le dessinateur joaillier est humble. Il fait partie d’une grande famille, celle de la maison de joaillerie qui vit grâce à une multitude de métiers. Le dessin de joaillerie, s’il sert principalement à la réalisation, peut aussi faire office de support de vente et constitué un catalogue. Cela signale donc bien la valeur esthétique et l’on oublie vite les considérations techniques du dessin pour ne faire valoir qu’une chose : le dessinateur joaillier est à la fois un artisan et un artiste dont le talent fait du dessin une œuvre d’art.

Le dessinateur joaillier est à la fois un artisan et un artiste dont le talent fait du dessin une œuvre d’art.

L’École propose des visites de l’école et dispense des cours d’initiation et des formations dans plusieurs domaines de la joaillerie. Ouverte depuis 2012 avec le soutien de la maison Van Cleef & Arpels, l’école a le désir de diffuser un savoir-faire unique au monde, concentré à Paris sur la mythique place Vendôme.

René Lalique (1860-1945) – Dessin d’une plaque de cou « Cygnes », Crayon, encre et gouache sur papier végétal B F K – Rives vers 1900. © Fonds Van Cleef & Arpels sur la Culture Joaillière

Une plongée dans une histoire onirique

Le fonds d’archives Van Cleef & Arpels pour la Culture Joaillière est exceptionnel. L’exposition couvre une période allant de 1760 à la Première Guerre Mondiale. Le visiteur peut alors comprendre l’évolution du dessin de joaillier, mais aussi voir les modes qui se sont succédées, d’un style bucolique à la fin du XVIIIe siècle au style Art nouveau des années 1900 en passant par un style néo-classique et naturaliste au XIXe siècle. De support technique, le dessin devient objet de collection, délicate idée de ce que put être le bijou. Dans le dessin de René Lalique représentant une plaque de cou avec deux cygnes, on remarque les nombreuses indications données par le joaillier, mais l’on remarque aussi l’élégance du trait et la précision du gouaché qui donne tous les détails de la pièce et signale alors au joaillier les techniques d’émail et de sertissage nécessaires. 

Il est aussi l’occasion de découvrir des noms méconnus de la joaillerie comme la maison Léon Hatot spécialisée dans l’horlogerie depuis 1905 ou encore la maison Vever qui date de 1821. On croise d’autres noms plus connus comme Mellerio, dirigé à l’époque par Félix et Mellerio dits Mellers, et René Lalique maître de l’Art nouveau au début du XXe siècle et qui nous régale par les courbes gracieuses qu’il donne à ses créations. 

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Le Bijou dessiné – à la découverte du dessin joaillier émerveille par la richesse des dessins présentés. La visée pédagogique de l’exposition ouvre sur un savoir-faire fascinant qui témoigne de la richesse de notre patrimoine encore bien vivant. L’exposition met donc à l’honneur un genre artistique et technique méconnu et pourtant essentiel à la création de pièces d’exception qui font la renommée de notre culture.

Le Bijou dessiné – à la découverte du dessin joaillier, jusqu’au 14 février 2022 à L’École des Arts Joailliers, 31, rue Danielle Casanova – 75 001 Paris.